Exclusif: l’Alfa 33 Stradale rien que pour nos yeux ! par Dimitri Urbain

La 33 Stradale de 1967, c’est le Graal d’Alfa, la GTO à la milanaise… Certainement l’une des plus belles voitures de tous les temps. Avec la nouvelle 33 Stradale, Alfa Romeo renoue avec la tradition des modèles spéciaux, assemblés à l’unité chez des carrossiers indépendants, comme à ses plus grandes heures de gloire. Elle est aussi un manifeste établissant un lien direct entre le passé et l’avenir d’Alfa Romeo et le premier modèle d’une collection de « fuoriserie » réinterprétant les chefs-d’œuvre de la marque. D’autres devraient suivre : le travail sur un second projet devrait d’ailleurs débuter dès la fin de cette année… Nous avons pu très récemment la découvrir en exclusivité, aux côtés de son illustre inspiratrice, au Centro Stile de Turin.

La 33 Stradale est la première des Fuoriserie d’Alfa. Elle sera produite à raison de 33 exemplaires, uniques et individualisés, tous déjà vendus avant même leur production dans les ateliers de la Carrosserie Touring, à Milan.

La genèse

Une pincée de légende, deux doigts de chef d’œuvre, une bonne dose de passion et un brin de rêve et de folie… voilà les ingrédients réunis pour sortir une œuvre d’art ! Voilà ce qu’est la 33 Stradale et Alfa Romeo ne tourne pas autour du pot : pourquoi ne pas faire appel à une légende pour négocier le virage de l’avenir de la plus belle façon qui soit? A une époque où l’automobile est de plus en plus décriée et attaquée de toutes parts, Alfa Romeo réaffirme haut et clair son amour pour la passion, la vitesse et la beauté sur quatre roues. La marque jouit d’un statut particulier parmi les constructeurs et les nombreux passionnés du Biscione font vivre la passion autour d’elle. Depuis le début de son histoire, Alfa Romeo est synonyme de sportivité, avec de nombreuses victoires aux Mille Miglia et, au lendemain de la guerre, avec les deux premiers titres de champion du monde F1. Après la guerre, Alfa abandonne la construction artisanale pour passer à la série, avec beaucoup de succès. De la 1900 à la Giulia, la marque symbolise la réussite économique de l’Italie d’après- guerre. Aux côtés des modèles de série, de nombreuses versions spéciales signées Bertone ou Pininfarina font rêver les amateurs. Parmi celles-ci, la Stradal, dérivée de la 33 de compétition, est l’une des plus réussie.

L’inspiratrice… la GTO, le Graal d’Alfa, la 33 Stradale de 1967, dérivée de la version de compétition et destinée à un usage routier. Elle est le fruit de la collaboration de Franco Scaglione avec Autodelta.

Trois hommes et un coup de génie

Giuseppe Luraghi et l’un des hommes clés de l’histoire d’Alfa Roméo, il y fait un premier passage après la guerre et ensuite, entre 1960 et 1974. L’ingénieur milanais est aussi un homme de lettres, un poète… C’est lui qui valide le programme compétition de la marque et l’intégration d’Autodelta, comme département officiel, dès 1963. La société a été créée en 1961 à Udine, par deux anciens ingénieurs de chez Ferrari, Carlo Chiti et Lodovico Chizzola. Si le second quitte rapidement le navire, le premier reste l’artisan du succès d’Autodelta. Né en Toscane en 1924, il a commencé sa carrière comme motoriste chez Alfa, en 1952. En 1964, Autdelta déménage vers Settimo Minalense, ce qui rapproche les activités compétition à la fois de l’usine et du circuit de Balocco, où sont testés les voitures de compétition et prototypes en toute discrétion. L’objectif était de faire renouer Alfa Romeo avec le succès en course, comme dans les années 30 et 50. Autodelta fait partie intégrante de la légende Alfa Roméo, au travers des célèbres Giulia TZ et TZ2, GTA et GTAm ou… 33.

Comme l’originale, la 33 Stradale est équipée de portes en élytre qui dégagent l’accès à l’intérieur.

Au départ, cette dernière est un prototype destiné au championnat du monde des voitures de sport. Elle connait une très longue carrière, jusqu’en 1977, remportant au passage les titres mondiaux constructeurs en 1975 et 1977. Au fil des ans, elle reçoit différentes carrosseries ouvertes et fermées, ainsi que des motorisations V8 de 2, 2,5 et 3 litres, finissant même sa carrière équipée d’un 12 cylindres à plat ! Une version coupé, la 33 Stradale, coiffe la gamme routière d’Alfa entre 1967 et 1969. Le troisième homme derrière la 33 Stradale, c’est le designer Franco Scaglione, né en 1916 à Florence. Dès les années 50, il travaille pour Bertone, chez qui il signe les prototypes BAT pour Alfa Romeo. Les lignes de la Giulietta Sprint et de la Giulietta Sprint Speciale sont aussi signées Scaglione. Il prend son indépendance en 1960 et ouvre son propre bureau de design, où il va travailler pour des marques comme A.T.S., Intermeccanica en Italie ou… Prince, au Japon, pour qui il signe un coupé 1900 Sprint baptisé… Skyline en 1963 !

L’intérieur est minimaliste et largement inspiré de la Stradale de 1967. Pas d’écran démesuré, de commandes tactiles, de volant encombré de boutons… le strict minimum !

33 Stradale : un pédigrée unique !

La 33, nous l’avons vu, c’est avant tout une voiture de compétition. Elle a même couru en Belgique, à la course de côte de Fléron, en mars 1967. A l’époque, de nombreux constructeurs prenaient part au championnat européen de la montagne, qui est très disputé et spectaculaire. Aux mains de Teodoro Zeccoli, pilote maison, elle y remporte la victoire dès sa première sortie ! La Stradale est présentée en 1967, lors du grand prix d’Italie, à Monza. Le châssis de 33 est ici en acier plutôt qu’en aluminium. A la différence de la version compétition, l’empattement est dix cm plus long afin de pouvoir reculer les sièges pour les passagers de grande taille. Son 2 litre V8 à 90° est identique à la version de compétition, tout comme la boîte six rapports. Cependant, des réglages spécifiques  rendent la Stradale plus apte à un usage routier. La puissance est donc ramenée de 260 à 230 ch à 8.800 tr/min. Légère (700 kg seulement !) et très aérodynamique, elle atteint 260 km/h en pointe.

Parmi tous les prototypes dérivés de la 33 Stradale, la Carabo de Bertone, signée Gandini, est l’un des plus célèbres. Présenté en 1968, il détermine les proportions sur lesquelles tous les supercar sont construits, encore aujourd’hui !

La carrosserie en aluminium de la 33 Stradale est réalisée par la Carrozzeria Marazzi, à Caronno Pertusella, près de Milan. Mario Marazzi est un ancien de chez Touring qui a créé sa propre société en 1967. Elle est surtout spécialisée dans la carrosserie industrielle mais, outre Alfa Roméo, a également travaillé pour Lamborghini. Franco Scaglione y est très présent et modifie sans cesse des détails. Qu’il s’agisse des phares, des essuies- glace, de prises d’air… chaque 33 Stradale est unique. L’assemblage final est ensuite assuré par Autodelta, à Settimo Milanese. A l’époque, la clientèle visée était plutôt riche et désireuse de retrouver les sensations d’une voiture de compétition, avec un confort moins spartiate. Seuls 18 châssis sont produits et plusieurs d’entre eux donneront naissance à différents prototypes. Chez Bertone, il s’agit des Carabo de 1968 et Navajo de 1976, signées respectivement par Marcello Gandini et Paolo Martin. Pininfarina utilise des châssis de 33 Stradale sur la P33 Roadster de Paolo Martin, en 1968, la 33/2 Coupé Speciale de 1969 signée Leonardo Fioravanti et la Cuneo de 1971 due elle aussi à Paolo Martin. Giorgetto Giugiaro est l’auteur de l’Iguana chez Ital Design, en 1968.

Ce prototype 33/2 est signé Leonardo Fioravanti pour Pininfarina en 1969. Il est très facile d’y retrouver nombre d’éléments qui seront ensuite intégrés à des réalisations du carrossier ou en inspireront d’autres, des prises d’air aux passages de roues.

33 Stradale : le retour !

Alfa réinterprète donc la 33 Stradale historique pour en faire un manifeste du design, un lien entre passé thermique et avenir… électrique. Il s’agit d’une « fuoriserie », du « sur mesure », puisqu’elle sera assemblée à la main dans les ateliers de la Carrozeria Touring Superleggera, à Milan. Chaque exemplaire sera unique et les propriétaires seront associés à toutes les étapes de la construction de leur voiture. La nouvelle 33 Stradale a été créée dans la « Bottega » Alfa Romeo, mise en place pour l’occasion. Des designers, ingénieurs et historiens de la marque ont d’abord écouté les acheteurs potentiels, puis ont produit la voiture ensemble, exactement comme dans les boutiques des artisans de la Renaissance ou dans les ateliers des carrossiers italiens de renom des années 1960.

L’auteur de ces lignes, grand alfisti devant l’éternel, a eu le privilège de s’installer à bord de la 33 Stradale 2023 !

La Bottega a même son siège dans la Sala del Consiglio du musée d’Arese, où la conception de la 33 Stradale a été approuvée en 1967. Enfin, c’est au Comité 33 qu’il revient d’approuver les demandes des clients, en veillant à ce que l’histoire et le caractère emblématique de la voiture soient pleinement respectés. Il s’agit d’un comité ad hoc, présidé par le PDG d’Alfa Romeo et composé des responsables des différents départements de la marque. Ce projet devrait être le premier d’une série réinterprétant l’histoire de la marque. Avec le slogan « le courage de rêver », Alfa s’inspire de l’audace qui a permis à la 33 Stradale originale d’exister.

Seules les commandes essentielles sont présentes, sur la console centrale et… au pavillon. Directement inspiré de l’aviation, ce montage est ergonomique et tout en élégance. L’habitacle fait appel à l’aluminium, la fibre de carbone, le cuir ou encore l’Alcantara.

Un exploit…

C’est à se demander ce qui est le plus impressionnant… obtenir l’aval de Carlos Tavares pour ce projet fou ou… parvenir à vendre les 33 exemplaires de la 33 Stradale à des passionnés de la marque fortunés ( il se dit en coulisses que le budget avoisinnerait 1,5 million d’€ par voiture…) avant qu’un seul ne soit assemblé  ? S’il est certain que le pédigrée de la 33 de 1967 a certainement pesé dans la balance, nul doute que la passion de Jean- Philippe Imparato pour la marque a fait le reste… Dès son arrivée à la tête de la marque, il avait annoncé son intention de sortir une Alfa digne du glorieux passé de la marque dans de nombreuses disciplines. C’est aussi une histoire remplie de chefs-d’œuvre et ce caractère italien inimitable, qui associe un grain de folie à la prouesse technique, au sens de la beauté et du design… et qui place ainsi la marque parmi les plus prestigieuses dans le cœur des passionnés. J-P Imparato le dit : « Avec la nouvelle 33 Stradale, nous voulions créer quelque chose qui soit à la hauteur de notre histoire, qui serve la marque et qui rende fier les Alfistes. Un tel résultat n’a pu être atteint que grâce à l’expertise, au travail et à la passion de notre équipe, avec le soutien d’un management qui a clairement l’ambition d’écrire quelques-uns des chapitres de l’avenir d’Alfa Romeo, dans le respect de son histoire unique. Il s’agit de la première voiture « fuoriserie » de la marque depuis 1969, et je promets que ce ne sera pas la dernière. »

Ce qui devait être au départ une Alfa de grand tourisme et est devenu réalité chez Maserati, la MC20, sert de base à la 33 Stradale moderne. Cette maquette d’étude a permis au Centro Stile de tester différents éléments tout en restant dans l’esprit de la version de 1967.

Tradition et modernité

Produite par le Centro Stile Alfa Romeo, la nouvelle 33 Stradale s’inspire et enrichit la beauté sculpturale intemporelle de la voiture sortie en 1967 par différents éléments de design issus du nouveau langage stylistique de la marque. L’équilibre entre les proportions, les volumes et le traitement des surfaces extérieurs, donne tout son sens à l’expression de la « beauté nécessaire »  Alfa Romeo. A l’avant, le volume est équilibré, le bouclier réinterprète le « scudetto » de façon moderne, tout comme les phares elliptiques associant des prises d’air à… 33 éléments d’éclairage. Le profil est dynamique et élancé, avec des portes à ouverture en élytre et deux grandes entrées d’air sur les côtés. La carrosserie est projetée vers l’avant, avec des surfaces modelées conformes à la tradition Alfa Romeo.

En 1967, le plaisir de conduite était encore assez spartiate. Le châssis de la 33 de compétition est allongé ici de 10 cm afin de permettre aux personnes de grande taille de prendre place à l’intérieur.

En outre, grâce à l’ouverture en coin des portes et au grand toit ouvrant enveloppant, le conducteur peut jouir d’une vue exceptionnelle, très semblable à celle que l’on a dans le cockpit d’un avion et… en phase avec la 33 Stradale de 1967. A la différence d’autres sportives, la hauteur maximale ne se situe pas au niveau du pare-brise mais au milieu du toit. L’arrière, en particulier, exprime la force de la voiture avec sa « coda tronca »-une autre référence stylistique Alfa, un dessin en « V » et des feux arrière ronds. Le Cx est de 0,375 et la vitesse maximale annoncée est de… 333 km/h, sans l’aide de systèmes actifs qui ruineraient l’élégance des lignes.

Egalement inspirés par la version originelle, les phares font appel à la technologie LED, intégrant… 33 modules, combinés à des entrées d’air.

Technologie actuelle

Ironie du sort, La nouvelle 33 Stradale est basée sur… une Maserati MC 20. Pour la petite histoire, il s’agissait au départ d’un projet Alfa Romeo qui est passé chez Maserati, autre marque du groupe, à la dernière minute. Elle est construite sur un châssis en aluminium et la carrosserie en fibre de carbone est gage de rigidité et de légèreté. La sécurité est également au programme avec une structure de pavillon en fibre de carbone et aluminium qui intègre des portes papillon à charnières.  L’encadrement des vitres est également en fibre de carbone et la lunette arrière en polycarbonate. La nouvelle 33 Stradale peut être équipée, au choix, d’un moteur essence V6 2.9 bi turbo développant plus de 620 ch et associé à une transmission automatique ZF ou avec moteur électrique d’une puissance de 750 ch.

Alfa annonce une vitesse de 333 km/h, tant pour la version thermique que pour l’électrique, sans recourir à une multitude de spoilers, dérives, diffuseur… c’était indispensable pour conserver l’élégance du dessin de Scaglione sans le dénaturer.

Quelle que soit la motorisation, la 33 Stradale atteint 333 km/h en pointe et passe de 0 à 100 km/h en moins de trois secondes. La suspension est une double triangulation associée à des amortisseurs actifs. Le système de freinage Alfa Romeo Brake-By-Wire et les freins carbone-céramique Brembo garantissent des arrêts à la hauteur des performances. La proportion entre thermique et électrique semble être de l’ordre de 70% et 30%. La mise au point de la voiture sera faite par Valtteri Bottas sur le légendaire circuit de Balocco, intégrant ainsi l’expérience de la F1 dans cette Alfa Romeo de route.

Les ateliers Autodelta, en 1968. C’est ici que s’écriront de nombreuses pages de l’histoire sportive d’Alfa, des GTA et GTAm aux 33 qui ont remporté le titre mondial du championnat des voitures de sport en 1975 et 1977. C’est ici également que l’assemblage final des 33 Stradale était mené, sur les carrosseries réalisées chez Marazzi sous la supervision de Franco Scaglione.

Intérieur minimaliste et très Alfa !

L’objectif poursuivi est de renforcer le plaisir du conducteur et de son passager, privilégié de pouvoir en profiter également ! Ici, pas d’écran de 45’’ dans la console ou sur le haut du tableau de bord, pas de volant constellé de boutons… L’intérieur et le tableau de bord ont été conçus afin de minimiser les éléments susceptibles de distraire le conducteur.  Le nombre de commandes utiles à la conduite a donc été volontairement limité et elles sont regroupées sur la console centrale ainsi que… sur le pavillon, comme dans un avion.

Comme son ancêtre, la 33 Stradale va être mise au point par un pilote maison sur le circuit de Balocco. Cette fois, il s’agit de Valtteri Bottas. Le constructeur annonce d’ores et déjà une vitesse maximale de 333 km/h et un 0 à 100 en moins de 3 secondes, pour les deux motorisations disponibles.

Devant le conducteur, un écran 3D est monté dans un « cannocchiale », les deux instruments ronds, typiquement Alfa.  Deux finitions sont disponibles : « Tributo » et « Alfa Corse ». Le tableau de bord et la console centrale font appel à l’aluminium, la fibre de carbone, au cuir et à l’Alcantara. Les sièges enveloppants réinterprètent ceux de la 33 Stradale historique, offrant à la fois du confort et une excellente ergonomie. Chaque détail est conçu pour créer un environnement exclusif et attrayant, tout en conservant l’héritage esthétique et technique de la 33 Stradale de 1967. C’est notamment le cas du sac qui se trouve devant le passager et fait office de… boîte à gants !

La Navajo de 1976 est également l’œuvre de Bertone mais est signée Paolo Martin. Elle est le dernier prototype créé sur un châssis de 33 Stradale. Ses formes angulaires se retrouvent sur les SZ et RZ plus récentes.La Navajo de 1976 est également l’œuvre de Bertone mais est signée Paolo Martin. Elle est le dernier prototype créé sur un châssis de 33 Stradale. Ses formes angulaires se retrouvent sur les SZ et RZ plus récentes.

La 33 Stradale marie donc avec beaucoup de réussite la technologie moderne avec l’Histoire d’Alfa Romeo et va sans nul doute faire le bonheur des quelques 33 privilégiés qui ont pu se l’offrir. Espérons qu’ils prendront plaisir à la sortir, pour le nôtre, plutôt que de les laisser prendre la poussière dans des garages climatisés… Nul doute qu’elle fasse déjà rêver nombre d’Alfisti convaincus et crée des vocations ! (Texte: Dimitri Urbain – Photos: Stellantis)

La BAT 7 est l’un des autres prototypes réalisés par Scaglione pour Alfa, dans les années 50. Elle fait partie d’une série de 3 prototypes qui ont beaucoup influencé le design automobile de cette époque.

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