Vécu: en pèlerinage à Fiorano

Si le paradis sur terre n’existe pas, il y a pourtant un petit village d’Emilie-Romagne, situé à quelques encablures de Modène, qui cache en son sein un circuit que les plus grands pilotes ont foulé pour y tester les dernières merveilles mises au point par Ferrari. J’ai nommé Fiorano Modenese. Où j’ai pu, à mon tour, effectuer quelques boucles au volant de la SF90. Ou lorsqu’un rêve se réalise à 48 ans…

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Je ne vais pas vous raconter ma vie mais vous préciser qu’à ma naissance, en 1972, mon papa  venait de débuter une collection de modèles réduits à monter, à l’époque en métal assez brut, et qu’il avait choisi la marque Ferrari en espérant un jour en posséder tous les modèles à l’échelle 1/43e. Il était loin de connaître toute l’histoire de la marque et surtout le nombre incalculable de variantes d’un même modèle. Mais cela a suffi à faire naître en moi la passion pour l’automobile lorsqu’il alignait pour moi sa collection…

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Alors bien sûr, je suis passé par Maranello durant mes vacances en Italie mais j’avoue que je n’ai jamais été attiré par son musée, devenu trop commercial depuis le passage de Michaël Schumacher dans l’écurie de F1. J’avais néanmoins réussi à grimper sur le toit d’un parking pour apercevoir au loin la piste de Fiorano. Et voilà qu’en ce jour de juillet 2021, un voyage de presse me conduit directement dans l’antre du Commendatore. Il faut évidemment montrer patte blanche pour franchir les barrières d’accès et un nouveau bâtiment attire mon regard (voir plus bas), sur la gauche, avant de passer sous la piste pour rejoindre la célèbre maison blanche aux volets rouges au centre de laquelle sont photographiés les nouveaux modèles les plus sportifs.

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Me voilà directement plongé dans l’ambiance. La SF90 trône ce jour-là de la Piazza Schumacher et si la voiture m’envoûte, elle ne m’empêche pas de ressentir tout le poids de l’histoire qui hante ces lieux baignés de soleil. J’ouvre grand les yeux et je tente de capter les moindres détails, les moindres reliefs de ce passé si riche. A quelques pas de là, on découvre la piste de Fiorano et pour un peu, on entendrait rugir le Flat-12 de la 312 B2 pilotée par Jacky Ickx en 1973, un an après l’inauguration de cette piste d’essai.

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La réalité nous rappelle à l’ordre dans la langue de Shakespeare malheureusement, parce que nous avons un programme plutôt chargé qui nous attend. La journée sera divisée en ateliers entrecoupés par des séances au volant de la SF90 Assetto Fiorano. Le premier arrêt nous entraîne à l’intérieur du bâtiment situé sur la gauche de la fameuse place et c’est une description technique détaillée qui nous est proposée en admirant le V8 biturbo de la bête mais également son infrastructure technique à travers un modèle littéralement découpé en deux. Le temps d’apercevoir les batteries coincées entre l’habitacle et le moteur arrière ou encore la boîte de vitesses 8 rapports à double embrayage.

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Ensuite, ce sont les designers qui nous invitent à les rejoindre dans un pavillon très moderne situé au milieu de la piste. On rencontre de véritables passionnés qui nous détaillent les subtilités techniques ayant prévalus lors de la conception de ce bolide avec des flux d’air particulièrement étudiés et des mécanismes essentiellement invisibles pour les yeux d’un spectateur lambda. Inutile de vous dire que je les aurais écoutés des heures durant…

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L’heure est venue de prendre le volant de la Ferrari de route la plus puissante jamais construite. Mais avant cela, je pénètre dans les stands de la piste de Fiorano où là aussi, je m’attends à croiser Jean Alesi en combinaison, en train de préciser ses dernières volontés en matière de réglages de sa F642.

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Plus prosaïquement, c’est Fabrizio Toschi, le pilote d’essai attitré de la SF90 Assetto Fiorano qui m’explique les quelques subtilités du tracé. Et c’est lui qui va me servir de poisson-pilote lors des quelques tours qui me sont alloués. Autant vous dire que mon petit cœur se serre lorsque je franchis l’entrée de la piste mais je me concentre sur le travail qui m’est assigné pour le Moniteur de l’Automobile et je laisse mes émotions au placard pour soigner mes trajectoires et retarder mes freinages au maximum. Je vous renvoie à l’essai de ce missile sur le site des mes collègues et je poursuis avec vous cette journée inoubliable au pays des tifosi.

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A midi, ce n’est pas dans le restaurant historique que l’équipe dédiée à la presse nous emmène, celui-ci étant en pleine rénovation. Cela me fait craindre le pire pour son authenticité, pas mal de bâtiment ayant déjà fait place à des structures ultra-modernes au cœur de l’usine. Heureusement, il reste des endroits typiques à quelques kilomètres de Maranello comme le Ristorante Montana où la famille du même nom nous accueille chaleureusement. Impossible de ne pas être mis dans l’ambiance dès les premiers pas à l’intérieur où l’on se retrouve entourés par de nombreux souvenirs.

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Qu’il s’agisse de casques ayant appartenus aux plus grands, de combinaisons tout aussi prestigieuses ou encore des maillots de joueurs de foot italiens. Et je vous passe les nombreuses photos où l’on voit la patronne entourée par les pilotes Ferrari ou diverses personnalités de passage par son établissement. Et à quelques tables de la nôtre, ce n’est autre que Carlos Sainz Jr, le pilote de la Scuderia cette saison qui déjeune en compagnie de sa copine.

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L’après-midi, il est prévu que je reprenne, une fois encore, le volant de la SF90 mais on nous propose également de découvrir le nouveau bâtiment dédié au service compétition-client. Celui-là même qui avait attiré mon regard lorsque nous sommes entrés sur le site de Fiorano. Et là, c’est la caverne d’Ali Baba. Des FXX-K Evo alignées comme à la parade, parfaitement bichonnées, de toutes les couleurs, on se croirait au pays des jouets pour grands enfants. Je découvre aussi quelques 599XX mais aussi les premières FXX basées sur l’Enzo.

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Des bolides silencieux qui attendent sagement les prochaines rencontres organisées par le service client qui les emmènent sur tous les circuits du monde où leurs riches propriétaires débarquent de leur jet privé pour aligner des tours sous la houlette des instructeurs-maison. Au vu du nombre de voitures stockées en ces lieux, je me dis que Ferrari doit gagner autant d’argent avec ces activités qu’en vendant des voitures. Et  ce n’est pas fini…

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A l’étage, une nouvelle ribambelle de Ferrari nous attend mais cette fois, il s’agit de Formule Un de toutes les époques, enfin surtout des années 90 et 2000 mais là aussi, leur nombre est impressionnant. Ce sont d’anciennes monoplaces rachetées par des clients mais qui ne peuvent, en aucun cas, être exposées chez eux. Ferrari en conserve le stockage et l’entretien dans un bel atelier situé en-dessous mais où je n’ai pas eu accès. D’en haut, j’ai compté une petite dizaine d’emplacements. Vous l’aurez compris, cette journée passée à Fiorano aura vraiment été un moment unique.

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Et celui-ci se termine par une petite surprise. En effet, les Italiens nous emmènent dans une petite pièce pour nous demander de bien vouloir nous séparer de nos portables qui sont immédiatement mis sous vide. On reprend la navette et l’on pénètre dans l’enceinte de l’usine de Maranello. J’ouvre à nouveau de grands yeux mais tout est bien camouflé et les quelques modèles croisés ne laissent rien entrevoir de l’avenir. On nous dépose dans le bâtiment accessible aux futurs propriétaires. La maquette de la 812 Competizione est exposée dans le hall d’entrée entourée de divers échantillons servant à personnaliser son modèle mais c’est à l’étage qu’on nous conduit pour y dévoiler sous nos yeux la petite 296 GTB qui sera révélée au public quelques jours plus tard. Malheureusement, il m’est alors interdit d’en prendre des photos, même s’il s’agit là aussi, d’une maquette de même que son moteur lui aussi dévoilé. Bref, un cadeau un peu inutile d’autant qu’on ne peut rien savoir de très précis sur l’auto…

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Ce n’est peut-être pas le cadeau auquel je m’attendais, n’ayant pu ramener de Maranello le moindre souvenir si ce ne sont quelques photos et des vidéos de mes passages sur le circuit mais je dois bien avouer que cette journée restera à jamais gravée dans ma mémoire. Et il faudra déjà quelque chose de bien exaltant pour m’emballer à ce point. Je remercie ici Xavier Daffe, le Rédacteur en Chef du Moniteur Automobile, sans qui ce voyage n’aurait jamais eu lieu. Et je vous invite, en cette période de fin d’année à ne jamais cesser de rêver tout en étant patient. On ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve!

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Le circuit de Fiorano

Dessiné par un certain Ugo Cavazzuti selon les indications du Commendatore, il est inauguré en 1972 et ceinture ce qui était alors la maison du patron, abritée dans un écrin de verdure. La légende prétend qu’il l’aurait fait construire pour regarder ses modèles favoris évoluer depuis sa terrasse mais la réalité est plus prosaïque puisqu’il a demandé sa réalisation lorsqu’il apprit que le vétuste autodrome de Monza allait disparaître. D’une longueur de 3,021 mètres, il propose toute une série de courbes (14) adaptées à la mise au point de voitures de route, mais également des GT les plus sportives voire des monoplaces de F1 puisque le record est détenu par Michael Schumacher et la F2004 avec un chrono de 55″99. 

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Plus amusant, du côté des supercars, c’est la Maserati MC12 Competizione, dérivée à l’époque de l’Enzo, qui a signé le meilleur temps en 1’11’’711 aux mains d’Andrea Bertolini. La ligne droite mesure 740m et l’on peut y dépasser les 300 km/h. Ce n’est pas la première fois que le nom du circuit est utilisé par un modèle si l’on se rappelle que la 599 GTB de 2006 s’appelait initialement 599 GTB Fiorano.

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