Après avoir difficilement fréquenté la F1 durant cinq saisons entre 1987 et 1992, Gabriele Tarquini a roulé sa bosse dans tous les championnats réservés aux voitures de tourisme. En 1994, il décroche le titre dans le BTCC (Championnat anglais des voitures de tourisme) avec Alfa Romeo. Il se partage ensuite entre le BTCC et le STC (Championnat allemand des voitures de tourisme) avant de remporter un second titre, en 2003, toujours avec Alfa mais cette fois en ETCC, le championnat européen des voitures à essuie-glace. Il poursuit sa carrière chez Seat, chez Honda et même chez Lada. A 55 ans, il retrouve une nouvelle jeunesse en signant avec Hyundai pour participer au nouveau championnat du monde des voitures de tourisme (WTCR).
“Les Coréens m’ont demandé combien de temps il me faudrait pour développer une Hyundai i30 capable de s’imposer, nous raconte le sémillant Italien originaire des Abruzzes. Et lorsque j’ai demandé six mois pour être au point, ils ont tout de suite accepté. Je ne sais pas si vous vous rendez compte mais il n’y a, aujourd’hui, plus aucune marque impliquée en sport automobile qui vous laisserait six mois pour développer une voiture de course. Tout doit désormais aller très vite et on tente, la plupart du temps, de mettre l’auto au point lors des premières courses…”
C’est cette manière de faire, cette mentalité de finisseur qui a réussi à motiver Gabriele pour repartir de zéro à un âge où la plupart des gens tendent à la tranquillité, à finir leur carrière de manière confortable.
“J’ai toujours aimé les défis et celui-là en était un beau. Lorsqu’on a mis l’auto sur la piste, à la fin de la saison 2017 du TCR International, on a tout de suite compris qu’elle allait être parmi les meilleures en WTCR. Notre i30 est engagée par le BRC Racing Team et en Chine, je remporte la première course à laquelle on participe. Bref, on se sent prêt pour 2018. Mon début de saison est parfait puisque je marque de gros points au Maroc, en Allemagne et au Portugal mais la compétition est particulièrement serrée et lorsqu’arrive le dernier rendez-vous, à Macao, nous sommes sept à pouvoir encore remporter le championnat. Je suis en tête mais Yvan Muller, pilote Hyundai lui aussi mais avec son écurie YMR, m’a repris 36 points en trois courses.”
Une situation tendue qui ne devait pas trop effrayer ce vieux loup de la compétition automobile…
“Ce championnat fonctionne selon le principe de la Balance des Performances (BoP) et depuis le début de la saison, nous avions été fortement handicapés à la suite des belles performances de la Hyundai i30 N TCR. Poids plus élevé, puissance en baisse et hauteur de caisse rehaussée viennent nous ralentir et rendent, de facto, l’auto plus à l’aise sur les pistes sinueuses. Donc je suis optimiste avant de débarquer à Macao et malgré la belle opposition d’Yvan, je finis par remporter mon troisième titre mondial avec trois petits points d’avance! Les mauvaises langues diront qu’à nous deux, Yvan et moi, on a 105 ans mais cela ne veut pourtant pas dire que le niveau est mauvais. La Hyundai était LA voiture à battre cette saison mais je suis sûr que les autres constructeurs vont réagir et que l’on verra à nouveau de belles bagarres en 2019 où je repars, bien sûr, pour une nouvelle saison.”
Pourtant, vous avez failli tout arrêter en 2009, après votre titre en WTCC avec Seat.
“En effet, je me souviens qu’il y a neuf ans, j’ai pensé tout arrêter parce que je ne voyais pas ce que je pouvais obtenir de mieux que ce titre mondial et c’était peut-être un bon moment pour m’arrêter. Mais d’un autre côté, ma tête me disait que tout allait bien que je gardais ma pointe de vitesse et ma rage de vaincre, j’avais encore suffisamment d’adrénaline pour prendre mon pied au volant. À la suite de l’arrêt de Seat, j’ai choisi de repartir avec une équipe privée pour trois ans avant de retrouver Honda. Je n’ai donc jamais arrêté et bien m’en a pris. Hyundai est vraiment une équipe qui veut gagner, c’est très rafraîchissant et l’on sent qu’ils mettent les moyens pour y arriver. Mais le WTCR n’est qu’une étape. Je ne serais pas surpris de les voir arriver en F1 dans quelques années…”
Cette saison, Gabriele a encore ajouté cinq victoires, deux pole positions et cinq meilleurs tours à son palmarès florissant. Et il a mené 73 tours de course. Mais quel est son circuit préféré en WTCR?
“J’adore Suzuka. Il a toujours été dans mes circuits préférés et je continue à prendre beaucoup de plaisir en roulant là-bas. On roule aussi sur le vieux Ring mais je ne suis pas sûr que les voitures du TCR soient les plus gratifiantes sur ce circuit. Il y a aussi Zandvoort en Hollande. Mais si je devais ajouter un circuit au calendrier, ce serait Spa-Francorchamps sans hésiter. Et je ne dis pas cela parce que vous êtes Belge! (Rires)”
C’est pourtant ce circuit qui lui a peut-être laissé le plus de regrets…
“C’est vrai que j’aurais aimé remporter les 24 heures de Francorchamps. J’ai touché le but du bout des doigts, sur une BMW M3 Bigazzi en 1989 en compagnie de Quester et Béguin (que l’on voit ici à quelques minutes du départ pris par… Gabriele) , mais nous avons abandonné à moins de deux heures de l’arrivée. Cela dit, je n’ai jamais été un amateur de courses d’endurance ainsi, je n’ai participé qu’une seule fois aux 24 Heures du Mans. Je suis un pilote de sprints, de courses en peloton. Et même à 56 ans, les jeunes loups ne me font pas peur!”
Si notre entrevue se termine ici, notre discussion a encore duré bien plus longtemps puisque nous avons aussi beaucoup parlé de Formule Un. Du jeune Italien Giovinazzi qui arrive cette saison chez Sauber, mais aussi de Stoffel Vandoorne et de l’écurie Mc Laren.
Le lendemain, on s’est retrouvé sur le petit circuit de Maspalomas pour goûter à deux petits tours aux côtés de Gabriele dans la Hyundai i30 N WTCR championne du monde, svp. Celle-là même avec laquelle le champion italien s’est imposé à Macao. Face à l’écran du PC posé sur le toit de l’auto, un ingénieur français sympa, chargé des voitures clients, nous donne quelques explications sur l’auto.
“Comme vous le voyez, le moteur n’est pas vraiment semblable à celui que vous avez sous les capots des Hyundai i30 N Fastback, s’amuse-t-il. Le 2.0 est ici épaulé par un gros turbo, d’origine AMG, et le radiateur d’eau provient lui d’un fournisseur des BMW M. On atteindrait 400 chevaux facilement s’il n’y avait la BoP qui nous ramène aux alentours des 350 ch. La voiture est une traction avant, bien sûr, et elle doit avoir quatre ou cinq portes. On dispose d’un seul moteur par saison mais on peut changer cinq fois de turbo. Dans l’exercice qui nous occupe aujourd’hui, il faut impérativement refroidir le turbo entre les séries de tours. Pour le reste, Gabriele a carte blanche pour vous impressionner…”
Il ne croit pas si bien dire. Je m’installe facilement à ses côtés, dans l’habitacle de la Hyundai i30 N TCR. Ayant déjà piloté deux TCR (Peugeot 308 et Seat Leon), je ne suis pas impressionné par l’environnement. En revanche, au volant, on a mis un vrai pilote. La poussée n’est pas impressionnante, les freinages non plus mais ce que je comprends vite, c’est que Tarquini n’utilise pas les réglages des journalistes. Le train arrière est très nerveux mais cela l’aide à enrouler les courbes. Le tout étant, dans la plupart des cas, de ne pas sacrifier trop de temps en survirage. Eternel débat entre ingénieurs et pilotes pour abolir le sous-virage des tractions…
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