Dans la vie d’un journaliste automobile, il est des moments marqués d’une pierre blanche. Déjà tifosi dans le berceau, il n’a pas fallu insister beaucoup pour nous faire traverser la Belgique afin de tester, durant 90 minutes inoubliables, la dernière California T. Mais rassurez-vous, nous n’en avons pas moins conservé une réelle objectivité!
Il n’est de rôle plus ingrat que celui d’entrée de gamme au sein de la marque Ferrari. Parce que les 458 Italia et autres F12 Berlinetta représentent le sommet de la sportivité et éclipsent la California aux yeux des amoureux du petit cheval. Davantage orientée vers une clientèle moins pointue, ce coupé-cabriolet, lancé en 2008, totalise pourtant 10.000 ventes à lui seul. Pour 70% des clients, il s’agit de leur première Ferrari, leur kilométrage annuel est supérieur de 30% à celui des autres modèles tandis qu’ils sont 50% plus nombreux à l’utiliser tous les jours. Bref, la California a des priorités bien éloignées de celles des autres athlètes de la marque.
Le retour du turbo
A l’instar des marques populaires, Ferrari s’est penchée sur la California pour lui donner un coup de jeune à mi-carrière. Au-delà de ses lignes à nos yeux virilisées, le coupé italien voit son V8 amputé de 440 cc mais il reçoit, en échange, deux petits turbos à faible inertie et double turbines. Histoire de réduire au maximum le temps de réponse. Grâce à cet artifice, la puissance du 4.5 V8 est désormais de 560 ch pour un couple de 755 Nm. Sans trop rentrer dans les détails, sachez que la gestion moteur ne laisse cependant pas monter la pression de suralimentation brutalement jusqu’à sa valeur maximale mais la module en fonction du régime. Et cette gestion variable de la pression de turbo ne dépend pas seulement du régime moteur mais aussi du régime engagé; plus celui-ci est élevé, plus la pression augmente. De quoi masquer le fait que les derniers rapports de la boîte de vitesses ont été allongés pour réduire la consommation. Hé oui, même de si basses considérations deviennent prioritaires chez Ferrari, normes européennes obligent!
Heureusement, la puissance revue à la hausse (+100 ch par rapport à sa devancière) a permis de largement gommer les 1.730 kg annoncés par la marque italienne. Une masse imposante qui s’explique par le mécanisme d’ouverture du toit rigide qui transforme le cabriolet en vrai coupé une fois la météo devenue maussade. Mais la belle arrière-saison que nous avons connue nous a permis de profiter de la sonorité du V8 cheveux au vent, sur les routes bosselées et étroites des environs de Knokke-Heist. Un terrain peu propice aux larges travers.
Il faut raison garder
Il n’est donc pas question pour nous de tutoyer les limites de la belle Italienne. Mais nous vous avouerons que le simple plaisir de libérer la cavalerie, de freiner sagement en entrée de courbe pour placer le nez de l’auto à la corde, avec une précision diabolique, bref d’appliquer une conduite académique, nous a largement suffi. Il faut dire qu’à 187.000 euros l’exemplaire, il n’était pas question pour nous d’aller fréquenter les profonds fossés de la région. Mais la California T s’est révélée d’une honnêteté à toute épreuve. Jamais vicieuse, elle est capable de se déplacer sur les pavés du petit village de Damme à 50 km/h avant de filer à des vitesses inavouables sur les bords rectilignes des canaux environnants. Et là, c’est à une toute autre personnalité que vous avez affaire. Le moteur s’emballe, les rapports de la boîte à double embrayage claquent véritablement, les accélérations vous coupent le souffle. Bref, vous êtes à bord d’une voiture exceptionnelle, vous êtes à bord d’une Ferrari.
Les mains parfaitement positionnées sur le volant, nous sélectionnons la position «Sport» du manettino, ce bouton rouge situé en bas à droite du volant. La sonorité change, la direction semble plus précise mais l’antipatinage travaille toujours. Nous attaquons franchement quelques jolies courbes, ayant pris confiance dans l’auto. Elle se révèle alors précise, directe et d’une efficacité diabolique. Impossible de faire bouger le train arrière, parfaitement rivé au bitume mais le témoin de l’ESC se déclenche assez souvent sur les petites routes bombées des campagnes de la côte belge. De quoi nous ôter l’envie de placer le manetinno en «ESC off», le responsable de Ferrari nous ayant vivement conseillé de garder cette option pour une prochaine expédition sur circuit.
Mais quel plaisir de changer les rapports avec cette boîte à double embrayage ultra-rapide! C’est peut-être la première transmission de ce type rencontrée sur une voiture de série qui nous rappelle la rapidité et la réactivité de celle d’une voiture de course. Sur ce point, les meilleures transmissions allemandes sont largement battues. Nous comprenons maintenant pourquoi Ferrari privilégie et vante cette boîte à double embrayage auprès de sa clientèle.
Par contre, nous émettrons un petit bémol pour la sonorité du V8. Certes, il impressionne au moment du démarrage, lorsque vous appuyez sur le bouton Engine start situé lui aussi sur le volant mais par la suite, il se révèle plutôt civilisé. Nous avons encore à l’oreille les grondements furieux du V8 de la Jaguar F-Type dans les tunnels liégeois et la sonorité du moulin italien nous a semblé bien moins effrayante pour le commun des mortels mais c’est bien là l’image relativement prévenante que cette California veut renvoyer en toutes circonstances.
Un confort inattendu
Chez Ferrari, depuis quelques années, tout se contrôle depuis le volant. Les clignotants, les essuie-glaces et les phares se déclenchent via les boutons sur le volant. Il faut véritablement s’y adapter mais ce n’est pas désagréable de tout contrôler sans quitter le volant des mains. Derrière celui-ci, les palettes sont allongées vers le haut du volant ce qui les rend particulièrement utilisables en toutes circonstances. La position de conduite est parfaite même si les sièges manquent un peu de soutien. Mais nous comprenons bien que la clientèle de la Daytona n’est pas prête à se déplacer quotidiennement dans des sièges baquets. Les places arrière sont plutôt symboliques et le coffre est entravé par le mécanisme du toit ouvrant. La finition est réussie même si le cuir des assises était déjà un peu chiffonné, la voiture n’affichant pourtant que 12.000 km au compteur. Mais globalement, l’habitacle est superbe avec ce cuir fauve intégral s’accordant parfaitement avec la teinte bordeaux extérieure. L’écran central, tactile, centralise toutes les fonctions d’info-divertissement allant du GPS aux sources audio en passant par le téléphone.
Les rangements dans l’habitacle ne sont pas nombreux et la boîte à gants n’est pas très volumineuse mais des bagages adaptés à la malle arrière sont commercialisés par Ferrari histoire de rentabiliser au mieux l’espace compté.
Conclusion
N’en déplaise à mes amis Porschistes, l’exclusivité ressentie au volant d’un bolide frappé du petit cheval cabré est absolument inimitable. Parce que vous devenez subitement le centre du monde au volant d’une voiture qui vous envoûte. Et lorsque vous avez la chance de pouvoir décapoter pour profiter pleinement de tous vos sens, vous vivez alors un moment inoubliable au volant d’une California T polyvalente à souhait. (Photos: Olivier Duculot)
La Ferrari California T en quelques chiffres
Moteur: V8 biturbo, essence, 3.855 cc; 560 ch à 7.500 tr/min; 755 Nm à 4.750 tr/min
Transmission: aux roues arrière
Boîte: double embrayage à 7 rapports
L/l/h (en mm): 4.750/1.910/1.322
Poids à vide (kg): 1.730
Volume du coffre (l): 340 (toit fermé)
0 à 100 km/h (sec): 3’’6
V-max (km/h): 316
Conso. mixte (l/100km): 10,5
CO2 (g/km): 250
Prix de base (euros TVAC): 187.000
Les plus
Polyvalence étonnante
Couple sur tous les rapports
Confort inattendu
Sonorité des changements de rapports
Les moins
Finition inconstante
Sonorité du V8 biturbo