En plus de vingt ans de journalisme automobile, sportif ou industrie, il nous est impossible de comptabiliser le nombre de fois où, suite à nos analyses de course, nous avons entendu “tu serais incapable de faire la même chose” ou bien “la critique est aisée mais l’art est difficile”. Alors certes, cela peut paraître simple d’émettre des avis souvent tranchés sur certaines contre-performances lors de rallyes, qu’ils se déroulent en Belgique ou dans la monde, ou bien suite à des luttes disputées sur circuit mais avec notre expérience (couverture du Championnat d’Europe des Rallyes et du WRC au début des années 2000 pour la DH), il nous est pourtant permis d’émettre certaines réserves à l’encontre de pseudo-pilotes au compte en banque particulièrement fourni mais à la maîtrise de WRC ou de grosses GT, voire de LMP2, absolument déplorable à l’oeil nu. Nous pensons à la Porsche 911 GT3 RS vue au Mans l’année dernière et confiée à l’équipe belge Prospeed ou encore à la DS3 WRC de l’Argentin Alberto Nicolas au ralenti lors du dernier Rallye de Finlande et qui parvient encore à se sortir pour ne citer que ces deux exemples.
Alors quand notre téléphone a sonné, début juin, et que notre Rédacteur en Chef chez AUTOnews nous a proposé de le remplacer au volant d’une Mazda MX-5 Cup aux prochaines 24 Heures de Zolder, on n’a pas longtemps hésité. Certes, à 43 ans, il est un peu tard pour se lancer dans une carrière en compétition mais c’est un âge auquel vous ne reculez plus devant la moindre opportunité qui se présente. Il faut ajouter que nous avions déjà goûté à ce petit bolide lors d’un trop bref essai en Espagne et que nous n’en avions dit que du bien en parlant de voiture-école pour apprenti pilote. Et bien voilà que l’occasion se présentait de corroborer nos impressions par la pratique. Mais avant, une série de démarches nous étaient imposées puisqu’il faut, depuis cette année, participer à une course au préalable pour s’inscrire au 24 Heures, sans parler du passage obligé par la case licence auprès du RACB.
C’est à Zolder que nous nous présentons pour y subir l’examen pratique et théorique nécessaires à l’obtention du précieux sésame. Il y a foule ce jour-là parce que c’est la dernière occasion de décrocher sa licence avant l’été. De nombreux jeunes participants aux 25 Heures Fun Cup sont présents. Deux licences sont octroyées mais pour nous, il faut obtenir la licence National C Circuit/International D2 avec 80% au théorique. Un examen écrit de 20 questions pour lequel 3/4 des jeunes sont venus sans stylo… Une fois les résultats connus, nous pouvons tous accéder au circuit avec nos propres véhicules. Cette semaine-là, j’ai un Porsche Boxster à l’essai et je me réjouis d’en profiter mais l’importateur Mazda est venu avec une 3 diesel. Pas question d’utiliser une voiture de presse non-couverte pour ce genre de fantaisie. Je fais contre mauvaise fortune bon coeur et je m’élance, pied dans le phare, avec ma berline de 150 ch qui se défend plutôt bien. Ce jeudi-là, les usagers habituels de la piste limbourgeoise sont présents. Nous sommes donc entourés de Porsche 911, de Fun Cup, de BMW diverses et variées. Bref, un bon entraînement en vue des deux courses qui m’attendent et où notre équipage sera, à n’en pas douter, à bord de la voiture la moins performante du plateau.
Le premier test se déroule sur quelques tours avec quatre pilotes/instructeurs placés sur le circuit. Ils nous est conseillé de ne pas rester en peloton et de rouler le plus vite possible dans les possibilités du véhicule. Cela entraîne des situations cocasses où je double une dizaine de voitures de tous les jours comme une Peugeot 3008 ou encore une Mercedes Classe A. Bon, les freins tiennent mais c’est surtout le comportement de la petite japonaise qui m’étonne. En descendant de la voiture, je constate qu’elle est montée en Michelin Pilote Sport, ceci expliquant cela! Pour la suite de l’après-midi, les pilotes s’installent à nos côtés et analysent nos gestes. Seulement voilà, nous ne sommes pas encore passés lorsqu’une Suzuki Swift préparée s’échoue dans le mur intérieur du Bianchi. La séance est interrompue au drapeau rouge et nos instructeurs nous disent que l’on en restera là. Ils en ont assez vu. Après une délibération qui semble interminable, ils appellent les quelques candidats qui n’ont pas réussi avant de faire entrer le reste du groupe pour nous féliciter et nous souhaiter une longue carrière en sport automobile! Hum, hum…
Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos démarches. Car il ne suffit pas de réussir ces examens pour obtenir la licence. Vous devez la commander auprès du RACB mais aussi passer un examen médical auprès d’un médecin agréé. Le temps commence à manquer parce que Mazda Belux m’a confirmé ma participation au Syntix Superprix à Zolder lors de la manche Belcar disputée le premier week-end de juillet. Mais bizarrement, je ne ressens aucune pression. Il faut dire que l’enjeu est blanc et qu’il s’agit avant tout de me familiariser avec la piste et les autres concurrents aux montures bien plus puissantes et qui vont devoir constamment me doubler.
La Mazda MX5 NC est préparée par le team MSTC de Jan Wouters. L’installation à bord est facilitée par le démontage du volant et malgré le hardtop monté sur ce modèle, nous parvenons à caser notre 1m86 sans trop de mal. L’équipe qui nous est dévouée est très sympathique et malgré l’absence du patron, retenu en Espagne par un autre évènement Mazda, les quatre mécaniciens assurent parfaitement le boulot dans une ambiance bon enfant. L’heure est venue de nous élancer pour les essais libres après avoir laissé notre équipier du jour, Joachim Sas, assurer le rodage des nouvelles plaquettes de frein.
Toujours aussi calme, nous prenons le volant pour une petite demi-heure d’essai durant laquelle nous établirons le meilleur temps de la voiture en 2’05”495, le dernier des 44 participants mais à 10 centièmes d’une BMW M3 et 4 dixièmes d’une 325i E90. A voir les visages ravis de l’équipe au sortir de mon bolide noir et jaune, je comprends que je m’en suis bien sorti et l’heure est venue d’aller fêter l’anniversaire d’Alain au bar du circuit… avant de retrouver nos pénates pour une bonne nuit réparatrice.
En fait, après mes deux saisons de karting en Promokart, je trouve la voiture bien moins physique. C’est davantage au niveau de la concentration que l’effort est intense. Il faut dire que je ne veux surtout pas gêner les bolides beaucoup plus rapides qui me doublent. Le principe est simple: je dois conserver la bonne trajectoire et c’est à eux de me doubler quand ils le peuvent. Heureusement, la Mazda est très facilement maîtrisable et ses 160 ch me paraissent bien modestes d’autant qu’elle est toujours dotée d’un ESP. Malgré la présence de l’ABS, le freinage est délicat. Il faut ainsi doser progressivement et lorsque je tente un freinage violent mais unique à la première chicane, elle m’embarque dans une glissade à laquelle je mets fin en retapant dans les freins. Ce sera ma seule chaleur du week-end mais je me demande encore si ce n’est pas dans ce tour-là que j’ai signé mon meilleur chrono.
Dimanche, la météo ne s’améliore pas et j’applique avec force la méthode Coué malgré l’insistance d’Annick qui ne cesse de me montrer les vilains nuages noirs qui s’accumulent au-dessus de Zolder. Au moment de prendre la piste pour les essais qualificatifs, mon équipier s’élance en slicks sous la pluie. Il tient bon deux tours avant de rentrer aux stands pour chausser les gommes pluie. Il repart et mon équipe me demande de lui laisser davantage de temps de roulage pour qu’il s’habitue à la voiture dans des conditions délicates. Du coup, lorsqu’il me passe le volant à vingt minutes de la fin de la séance, le temps me manque pour reprendre mes marques en pneus pluie d’autant que la piste et la trajectoire s’assèchent désormais. Je signe un piètre 2’19”630 dans mon dernier tour mais cela n’est pas suffisant pour nous assurer la qualification d’autant que le proto Norma qui signe la pole position était chaussé en slicks… Heureusement les organisateurs repêchent les cinq recalés et nous pourrons donc prendre le départ, en fin de journée, pour la troisième manche de la saison disputée sur 125 minutes.
Comme depuis le début du week-end, c’est Joachim qui va s’élancer d’abord en piste en prenant le départ lancé depuis la dernière place. Mon jeune équipier s’en sort parfaitement en alignant des tours en 2’05” avant de me céder le volant. Je m’installe à bord et je m’élance, toujours aussi détendu, profitant de chaque instant en piste. Le rythme est nettement plus élevé que durant les essais mais je gère au mieux le trafic et les furieux qui grossissent dans mon rétroviseur. Très vite, je repère les différents concurrents et je parviens à évaluer le temps qu’il faudra entre le moment où je les vois débouler dans mon rétro et celui où ils seront derrière moi. Je tiens ma ligne au mieux mais j’avoue que lorsqu’un groupe me rattrape, je m’écarte au plus vite pour ne gêner personne tout en indiquant mes intentions d’un coup de clignoteur.
Certains me doublent très proprement, d’autres me collent au maximum comme s’ils souhaitaient que je me jette dans l’herbe. Mais cela ne m’impressionne pas et je reste concentré sur mes trajectoires et sur mes chronos. Le règlement impose un deuxième arrêt obligatoire et s’il n’y a pas de changement de pilote, celui qui reprend le volant doit faire le tour de la voiture. Ma jauge de carburant vient de baisser furieusement lors des trois derniers tours sans que je ne m’explique pourquoi. Il est vrai que j’aligne des tours à fond aux alentours des 2’03” mais l’équipe m’avait bien précisé que le plein suffisait pour la durée de la course. Je quitte les stands inquiet et je décide de m’arrêter au tour suivant parce que la jauge est à sa dernière barre. L’équipe n’est pas prête et je perds huit minutes dans l’aventure. Dommage.
Le reste de la course se déroulera à l’image du début en gardant une concentration maximale. Seule un petit coup de pare-chocs donné par une BMW M235i dans la seconde chicane, alors que je suis pris en sandwich entre deux modèles de la marque bavaroise m’inquiètera un peu mais en rentrant la voiture au parc fermé, je constate qu’il n’y a aucune trace de cette poussette. Sans doute le pilote de l’allemande a-t-il mal évalué la différence de vitesse…
Voilà l’aventure terminée et une nouvelle fois, l’équipe me réserve un accueil digne d’une victoire à ma sortie de voiture. Quel plaisir! Ils sont soulagés de voir leur MX5 intacte, sans doute, mais heureux aussi de voir que nous avons parfaitement rempli la tache qui nous était confiée en terminant 31è et avant-dernier tandis que 12 voitures n’étaient pas classées. Je comprends alors que rien n’était encore acquis pour les 24 heures et que cette course avait également valeur d’examen pour moi mais cela ne fait alors aucun doute que je suis reçu avec mention! D’autant que deux pilotes bien plus expérimentés viennent me féliciter après la course pour avoir bien gardé ma ligne tout en indiquant au maximum mes intentions à ceux qui me doublaient.
Quel plaisir de piloter sur piste, en peloton et de se sentir enfin légitime par rapport à tous ceux qui critiquaient mes jugements. Certes, je ne serai jamais champion du monde mais pouvoir prendre du plaisir au volant sans être ridicule au niveau des chronos constitue sans le moindre doute une belle satisfaction. Restera un petit goût de trop peu en matière de gestion des dépassements puisque je n’en ai guère effectué durant la course… ce qui ne m’a pas empêché de constater combien le circuit de Zolder est exigeant et peut réserver de mauvaises surprises. Le droite du Bianchi est un virage qui reste très délicat et le premier gauche est la clé d’un bon chrono. Et là, j’avoue qu’il me reste des progrès à faire en termes de vitesse de passage en courbe. Heureusement, la nouvelle Mazda MX-5 Cup ND qui nous attend pour les 24 Heures de Zolder s’annonce très performante. Alors rendez-vous les 20 et 21 août dans la pinède limbourgeoise. N’hésitez pas à venir nous soutenir!