C’est le 14 novembre 1896 que la loi imposant d’agiter un drapeau rouge devant les véhicules à moteur a été abolie au Royaume Uni. Dans la foulée, la vitesse limite est passée de… 6 à 22 km/h ! Les joyeux excentriques pionniers de l’automobile et propriétaires de ces drôles d’engins ont alors décidé de fêter ça en organisant un voyage entre Londres et Brighton. Symboliquement, un chiffon rouge a été déchiré lors de la première édition et depuis, la tradition se perpétue !

Symbole de liberté
Afin de marquer l’abolition de la « loi scélérate », un voyage est donc organisé le samedi 14 novembre 1896, entre l’hôtel Métropole de Londres et son équivalent situé à Brighton… à 60 miles (ou 97 km). Sur les 58 véhicules engagés, seuls 13 ou 14 vont rejoindre l’arrivée… il semblerait qu’un concurrent ait triché et utilisé le train pour s’y rendre, maculant son véhicule de boue juste avant l’arrivée ! Le « Run » connait un certain succès jusqu’en 1903 puis n’est plus organisé. Il faut attendre 1927 pour que des amateurs relancent les choses, essayant de revenir à ce qu’était la première édition de 1896. Depuis, la course a eu lieu tous les ans, sauf entre 1940 et 45, en 1947, pour cause de rationnement du carburant et… en 2020 pour cause de pandémie.

De nombreux concurrents viennent de toute l’Europe et des Etats-Unis. Plus de cent marques étaient au départ, certaines disparues il y a très longtemps, d’autres encore bien vivantes comme Ford, Renault ou Cadillac. Le départ est donné à 7 heures précises à Hyde Park, près du palais de Buckingham. Cette année, le chiffon rouge a été symboliquement déchiré par Ross Brawn, un des grands noms de la F1, et Ben Cussons, le président du RAC.

La météo était de la partie, facilitant la vie des 341 conducteurs et de leurs passagers, ainsi que des 27 motards et cyclistes qui ont tenté de rejoindre Brighton et ses palmiers avant 16h30 pour recevoir une médaille commémorative ! La première arrivée est une MMC de 1903, en un peu moins de… 3 heures, suivie de 300 autres concurrents. Quarante participants ont dû renoncer mais le nombre reste peu élevé, vu l’âge des véhicules.

Les 70 ans du film Geneviève
2023 marque également le septantième anniversaire du film « Geneviève », sorti en 1953. Il décrit la rivalité entre deux amis prenant part au Londres Brighton et leur pari fou : qui sera le premier des deux à regagner Londres ? Dans le film, Geneviève est une Darracq de 1901 qui fait la course avec une Spycker. Les deux voitures, ainsi que de nombreuses autres ayant participé au tournage, existent toujours. Elles se trouvent au musée Louwman de La Haye, aux Pays Bas. Pour l’occasion, elles ont été les deux premières à s’élancer cette année. Les voitures sont classées en fonction de leur âge, laissant plus de temps aux moins rapides pour se rendre à Brighton. Cette année, la plus ancienne était un vis-à-vis Peugeot de 1892 venu du musée automobile de Turin et qui serait la première voiture ayant circulé en Italie !

De la diversité…
Londres-Brighton, c’est l’occasion de voir rouler des voitures qui sont malheureusement trop souvent dans des musées… et aussi de se rendre compte combien l’automobile a évolué rapidement, entre la fin du 19ème siècle et le début du vingtième. Les voitures de 1093 et 4 sont déjà, finalement, assez proches de l’automobile qui prévaudra jusqu’au années 20 et 30. A l’époque, l’industrie automobile encore balbutiante essayait différents moyens de propulsion, de transmission ou de direction. Volant queue de vache ou barre façon bateau ; moteur thermiques à essence, à vapeur fonctionnant au charbon ou même… électriques !

Epoque héroïque sans capote ni pare-brise et encore moins de chauffage, le moindre voyage était une aventure, il fallait prévoir, s’équiper, se protéger pour parcourir 20 km par tous les temps. Voilà qui nous ramène à la réalité actuelle : différentes solutions techniques sont en concurrence aujourd’hui et impossible de déterminer celle qui s’imposera à l’avenir, exactement comme au début du siècle passé. Pour la petite histoire, plusieurs concurrents utilisaient même des e-carburants.

Le Run célèbre la joie de pouvoir rouler librement et met en valeur la passion de ces amateurs qui maintiennent de vénérables ancêtres en état de fonctionnement. La météo et le nombreux public se trouvant sur tout le parcours contribuent à une atmosphère bon enfant, vestige bien vivant d’une époque révolue… (Texte : Dimitri Urbain- Photos : Dimitri Urbain, RAC)








BRAVO et merci et longue vie pour ce musée roulant