Reportage : Londres- Brighton 2023 : le musée en mouvement !

C’est le 14 novembre 1896 que la loi imposant d’agiter un drapeau rouge devant les véhicules à moteur a été abolie au Royaume Uni. Dans la foulée, la vitesse limite est passée de… 6 à 22 km/h ! Les joyeux excentriques pionniers de l’automobile et propriétaires de ces drôles d’engins ont alors décidé de fêter ça en organisant un voyage entre Londres et Brighton. Symboliquement, un chiffon rouge a été déchiré lors de la première édition et depuis, la tradition se perpétue !

A 7 heures précises, le chiffon rouge est symboliquement déchiré par Ross Brawn et Ben Cussons.

Symbole de liberté

Afin de marquer l’abolition de la « loi scélérate », un voyage est donc organisé le samedi 14 novembre 1896, entre l’hôtel Métropole de Londres et son équivalent situé à Brighton… à 60 miles (ou 97 km). Sur les 58 véhicules engagés, seuls 13 ou 14 vont rejoindre l’arrivée…  il semblerait qu’un concurrent ait triché et utilisé le train pour s’y rendre, maculant son véhicule de boue juste avant l’arrivée ! Le « Run » connait un certain succès jusqu’en 1903 puis n’est plus organisé. Il faut attendre 1927 pour que des amateurs relancent les choses, essayant de revenir à ce qu’était la première édition de 1896. Depuis, la course a eu lieu tous les ans, sauf entre 1940 et 45, en 1947, pour cause de rationnement du carburant et… en 2020 pour cause de pandémie.

Les deux vedettes du film Geneviève, sorti en 1953, au départ… Geneviève est une Darracq bicylindre 12 HP de 1904 et sa partenaire une Spyker 4 cylindres 16 HP de 1905.

De nombreux concurrents viennent de toute l’Europe et des Etats-Unis. Plus de cent marques étaient au départ, certaines disparues il y a très longtemps, d’autres encore bien vivantes comme Ford, Renault ou Cadillac. Le départ est donné à 7 heures précises à Hyde Park, près du palais de Buckingham. Cette année, le chiffon rouge a été symboliquement déchiré par Ross Brawn, un des grands noms de la F1, et Ben Cussons, le président du RAC. 

James & Browne bicylindre 9 HP de 1902, carrossée en tonneau avec entrée centrale arrière. Comble du raffinement, la tenue de ses occupants est assortie à la voiture…

La météo était de la partie, facilitant la vie des 341 conducteurs et de leurs passagers, ainsi que des 27 motards et cyclistes qui ont tenté de rejoindre Brighton et ses palmiers avant 16h30 pour recevoir une médaille commémorative ! La première arrivée est une MMC de 1903, en un peu moins de… 3 heures, suivie de 300 autres concurrents. Quarante participants ont dû renoncer mais le nombre reste peu élevé, vu l’âge des véhicules.

Prête au départ, cette Panhard & Levassor 4 cylindres 20 HP de 1902 est carrossée en tonneau avec entrée arrière.

Les 70 ans du film Geneviève

2023 marque également le septantième anniversaire du film « Geneviève », sorti en 1953. Il décrit la rivalité entre deux amis prenant part au Londres Brighton et leur pari fou : qui sera le premier des deux à regagner Londres ? Dans le film, Geneviève est une Darracq de 1901 qui fait la course avec une Spycker. Les deux voitures, ainsi que de nombreuses autres ayant participé au tournage, existent toujours. Elles se trouvent au musée Louwman de La Haye, aux Pays Bas. Pour l’occasion, elles ont été les deux premières à s’élancer cette année. Les voitures sont classées en fonction de leur âge, laissant plus de temps aux moins rapides pour se rendre à Brighton. Cette année, la plus ancienne était un vis-à-vis Peugeot de 1892 venu du musée automobile de Turin et qui serait la première voiture ayant circulé en Italie !

White à vapeur de 1905, avec une carrosserie déjà assez proche de ce qui se fera encore dans les décennies suivantes. Comme il n’y a pas de réservoir d’eau, l’autonomie est assez réduite… quelques km à peine !

De la diversité…

Londres-Brighton, c’est l’occasion de voir rouler des voitures qui sont malheureusement trop souvent dans des musées… et aussi de se rendre compte combien l’automobile a évolué rapidement, entre la fin du 19ème siècle et le début du vingtième. Les voitures de 1093 et 4 sont déjà, finalement, assez proches de l’automobile qui prévaudra jusqu’au années 20 et 30. A l’époque, l’industrie automobile encore balbutiante essayait différents moyens de propulsion, de transmission ou de direction. Volant queue de vache ou barre façon bateau ; moteur thermiques à essence, à vapeur fonctionnant au charbon ou même… électriques !

Chez Renault, le confort des passagers n’était pas un vain mot, même au début du siècle : pare-brise et capote permettent déjà de voyager dans de meilleures conditions en cas d’intempéries.

Epoque héroïque sans capote ni pare-brise et encore moins de chauffage, le moindre voyage était une aventure, il fallait prévoir, s’équiper, se protéger pour parcourir 20 km par tous les temps. Voilà qui nous ramène à la réalité actuelle : différentes solutions techniques sont en concurrence aujourd’hui et impossible de déterminer celle qui s’imposera à l’avenir, exactement comme au début du siècle passé. Pour la petite histoire, plusieurs concurrents utilisaient même des e-carburants.

Londres Brighton c’est aussi la mobilité douce et… l’équilibrisme, avec ce grand bi Singer de 1894. Courage ou inconscience ? Heureusement pour ce concurrent que la météo était bonne !

Le Run célèbre la joie de pouvoir rouler librement et met en valeur la passion de ces amateurs qui maintiennent de vénérables ancêtres en état de fonctionnement. La météo et le nombreux public se trouvant sur tout le parcours contribuent à une atmosphère bon enfant, vestige bien vivant d’une époque révolue… (Texte : Dimitri Urbain- Photos : Dimitri Urbain, RAC)

Admirez les couvre-chefs des occupants de cette Crestmobile monocylindre de 1904…
Gladiator bicylindre de 1903 au coude à coude avec une Wolseley bicylindre 12 HP de 1904. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de participer à un embouteillage géant avec des voitures d’au moins 120 ans.
Les joies de Londres, un dimanche au petit matin… cette dame a tout prévu car sans pare-brise, portières ni capote, mieux vaut être couvert.
Massés sur les 60 miles ou 97 km du parcours, de nombreux amateurs et propriétaires de voitures moins anciennes viennent soutenir et encourager les participants au Run.
Demi-limousine Darracq bicylindre 12 HP de 1904. Ici, le carrossier est déjà soucieux de la protection des passagers et ce style de carrosserie sera encore en vogue durant une bonne dizaine d’années.
Peu importe le flacon… un bon vieux vélo est certainement le moyen le plus démocratique de prendre part à cette aventure, à condition d’avoir une excellente condition physique !
Toute proche de Westminster, une De Dion Bouton monocylindre 6 HP de 1903. Avec deux places, voilà l’ancêtre des voitures de sport ! Elle est suivie par une Renault Wagonette bicylindre 10 HP de 1903… ancêtre des mono et autres ludospaces ? du Kangoo ?
La mer promise, Brighton, ses palmiers et sa jetée, au terme de quelques heures épiques… pour célébrer la liberté de pouvoir se déplacer !

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