Saab a toujours été un constructeur différent des autres. Au départ, la firme produisait des avions mais la fin de la seconde guerre mondiale l’a poussée à chercher d’autres sources de revenus. C’est ainsi que les voitures sont arrivées. La partie automobile a fait faillite en 2011. Cependant, les amateurs de la marque sont toujours très nombreux et pour beaucoup d’entre eux un voyage à Trolhättan et une visite du musée sont un véritable retour aux sources, un pèlerinage. (Texte et photos de notre envoyé spécial en Suède: Dimitri Urbain)
C’est d’ailleurs ce que nous avons fait en juillet dernier, au volant d’une Saab 900i de 1991. N’ayant plus roulé depuis 2000, cette voiture s’est révélée très pratique, confortable et agréable pour un trajet de plus de 4.000 km en Suède, sur les terres qui l’ont vu naître, ainsi qu’en Norvège. Lors de la faillite de la marque, en 2011, le muée a bien failli disparaître et la collection vendue aux enchères. Consciente du patrimoine que cela représente et de son image indubitablement liée à ce constructeur atypique, les autorités communales ont pris les choses en main et fait en sorte que rien ne quitte la ville. Aujourd’hui, le musée Saab est donc intégré à un complexe muséal dont il est le fleuron. Certes, par rapport à d’autres musées automobiles, c’est petit et pas toujours bien mis en valeur, comme on peut le voir sur les photos. Néanmoins, il a le mérite d’exister et de rassembler toute une série de véhicules qui montrent le savoir-faire de Saab et les idées originales qui ont été adoptées en série : la traction avant, des carrosseries aérodynamiques, le turbo…
C’est au volant d’une Saab 900 de ce type que notre historien de l’automobile s’est rendu, l’été dernier, au musée Saab de Trolhättan…
Saab a toujours fait preuve de beaucoup d’ingéniosité, à défaut de budgets de développement colossaux. Certes, on aime ou on n’aime pas mais la marque reste certainement l’une des plus remarquables de l’histoire de l’automobile. Et les nombreuses voitures qui roulent encore font le bonheur des passionnés qui, souvent, ne voudraient jamais s’en séparer, même si elles ont fait plusieurs fois l’équivalent du trajet de la Terre à la Lune. A titre d’exemple, le club hollandais compte plus de 3.500 membres, plus de 38.000 voitures circulent encore aux Pays Bas, un réseau d’une dizaine de concessions est toujours actif et l’ancien premier ministre, Mark Rutte, continue d’utiliser une 9-3 de… 1999 ! Voilà qui est faire preuve d’économie et du sens de la conservation, sans céder aux sirènes de l’électrique et de la destruction forcée. Place aux images qui, nous l’espérons, vous donneront envie d’un petit voyage au pays des Trolls.
A la base, Saab est un avionneur et la société produit toujours des avions aujourd’hui, ainsi que du matériel militaire. Les voitures sont arrivées avec la fin de la seconde guerre mondiale, afin de diversifier les activités en temps de paix.
L’Ur-Saab, la toute première ! Son profil très aérodynamique en forme d’aile d’avion est tout de suite reconnaissable. Portant le matricule 92, elle a été produite à trois exemplaires en 1946-47. Son moteur inspiré par un DKW deux temps développe 18 ch pour 692 cm3 et lui permet d’atteindre 100 km/ en pointe. Elle est due à une dizaine d’ingénieurs aéronautiques et ses lignes sont signées Sixten Sason. Ce designer suédois a également travaillé pour Ericsson ou Electrolux… Il sera l’auteur de toutes les Saab jusqu’à la 99 !Outre l’automobile, Saab s’est aussi essayé aux bateaux pour diversifier ses activités après la guerre, comme avec ce Saalina de 1947.La Saab 92 de série sort en 1950, uniquement en vert ! C’était un véritable ovni au début des années 50 et seulement 700 exemplaires sont produits la première année. Voiture d’ingénieur, elle était en avance sur son temps pour beaucoup d’éléments : aérodynamique et performante, elle a su s’imposer et trouver une modeste clientèle qui acceptait de ne pas avoir d’accès extérieur au coffre !Sonett Super Sport de 1956, première du nom. Développée par les ingénieurs de la marque durant leur temps libre, c’est une monocoque en aluminium équipée d’une mécanique de 93 préparée développant 57 ch au lieu de 33 et d’une carrosserie en polyester dont les lignes sont signées Sixten Sason. Légère, elle ne pèse que 500 kg et atteint 160 km/h. Six exemplaires ont été assemblés mais un changement de réglementation sportive a arrêté le projet, Saab préférant développer la 93 pour la compétition.Une monoplace Saab ? Il s’agit d’une formule Junior. Apparue en 1959, la catégorie était destinée à des pilotes constructeurs et utilisant des moteurs de grande série. Très rapidement, Cooper, Lotus, Osca… trustent les victoires. Néanmoins, en 1960 des ingénieurs passionnés de course développent cette monoplace qui est une monocoque équipée du 3 cylindres 2 temps qui entraîne les roues avant, comme sur la voiture de série ! Avec plus de 70 % du poids reposant sur l’essieu antérieur, la voiture se révèle nettement sous-vireuse. Deux voitures sont construites et elles ont roulé quelques années, même Erik Carlsson s’y est essayé.« Le Monstre » est le surnom de cette voiture : une 93 à moteur six cylindres, deux trois cylindres ayant été réunis, tout simplement ! Ensemble, ils développent un peu plus de 100 ch pour une cylindrée de 1500 cm3. Lors de sa première sortie elle atteint 196 km/h mais sa tenue en virage n’était pas bonne et la boîte n’a pas résisté, stoppant net les travaux.Erik Carlsson était « Monsieur Saab »… Le pilote était très rapide et faisait des merveilles au volant des petites 93, même si plusieurs ont terminé sur le toit ! Vu leur forme aérodynamique, elles glissaient sur la neige, sans être trop endommagées. Accompagné de Gunnar Palm, il a gagné le rallye de Monte Carlo 1963 au volant de cette voiture.MFI 13, signée Björn Karlström, designer suédois qui voulait produire une petite voiture de sport utilisant une mécanique Saab dès les années 50. MFI ou Malmö Flygindustri est intéressé et sort le projet MFI 13 en 1964, avec le soutien de Saab. Le premier exemplaire reçoit une carrosserie en métal qui servira à mouler les suivants en fibre de verre. Chez Saab, la voiture plaît et le constructeur la préfère au prototype Catherina de Sixten Sason. Elle deviendra la Sonett II ou Saab 97 et sera mise en production en moins de six mois. Ce prototype est équipé d’un moteur préparé avec trois carburateurs et atteint 150 km/h.Au début des années 60, Sixten Sason est le designer attitré de Saab mais a un statut d’indépendant. Il dessine ce petit coupé pour son usage personnel. Au même moment, des projets sont mis en place pour assembler un dérivé sportif de la 96. Le travail débute en 1963 dans les ateliers de ASJ, une firme spécialisée en… matériel ferroviaire de Katrineholm, en Suède. Ce qui lui vaudra son nom… Catherina. La version finale est présentée le 24 avril 1965, avec toit démontable façon Targa mais elle manque de mise au point… et c’est finalement la MFI 13 qui est choisie car déjà plus aboutie.Sonett III, 1973. Ses lignes sont signées Coggiola mais… elle conserve la cellule centrale et les portières de sa devancière, la Sonett II de 1966. Plus pratique que celle-ci, le coffre à bagages est plus grand et plus accessible. Présentée en 1970, elle s’est surtout vendue aux USA. Cet exemplaire est équipé des pare-chocs auto- réparants brevetés par le constructeur mais ils n’arrangent pas son esthétique… Equipée du moteur Ford V4 de la 96, la production est arrêtée en 1974, après 10.219 exemplaires seulement.En 1975 et 76, la division aéronautique de Saab utilise des pièces de 99 pour assembler deux exemplaires de ce petit fourgon électrique qui aurait dû équiper la poste suédoise. Son autonomie était d’environ 60 km. Cet exemplaire a parcouru environ 7.000 km mais à l’époque la division automobile du groupe n’en a pas voulu et l’expérience est restée unique… jusqu’à la reprise de Saab par NEVS.La 96 V4 de 1976, pilotée par Per Eklund et gagnante du rallye de Suède, après une lutte épique avec Stig Blomqvist au volant d’une voiture identique. A l’époque, cette voiture était déjà dépassée mais Saab continuait à la développer pour soutenir les ventes du modèle de série. Ici, le moteur est réalésé à 1740 cm3 et développe 165 ch !La 99 en version turbo a aussi été alignée par l’usine dès sa sortie, en 1978. De 145 ch sur la version de série, la puissance passe à 240 ch mais c’est surtout son couple de 369 Nm à 3.500 tr/min. Blomqvist a remporté le rallye de Suède à son volant ais au début des années 80 elle ne pouvait malheureusement plus lutter avec les engins du groupe B et le constructeur n’engage plus d’équipe officielle dès 1981. Cette voiture est donc la dernière et la plus aboutie des Saab de rallye officielles.Deux ans après le lancement de la 99, un nouveau projet, baptisé X14, est lancé. Il s’agit d’un engin mi coupé mi break baptisé Combi-Coupé. La version de série de la 99 apparaît en 1974 mais la firme étudie également la possibilité d’étendre le concept à la 96. C’est un break 95 qui sert de base au prototype réalisé par Coggiola et qui est baptisé 98. Finalement, l’état-major de Saab décide de ne pas poursuivre le projet.Saab 900 Turbo 16 EV-1 de 1985. La voiture est roulante et peut être utilisée sur la route. Elle était destinée à tester et étudier différents éléments en situation mais pas à devenir une voiture de série. Ses lignes sont signées Björn Envall, successeur de Sixten Sason. La partie supérieure de la voiture est en verre et le toit contient des panneaux solaires qui entrainent des ventilateurs à l’intérieur de l’habitacle lorsque la voiture est garée au soleil. Les pare- chocs sont en matériau synthétique à mémoire de forme. Les trains roulants comme la mécanique proviennent de la 900 turbo contemporaine et ont été adaptés. La puissance atteint 285 ch et la vitesse maximale est de 270 km/h ! Pour la petite histoire, les sièges sont inspirés… par ceux du vaisseau spatial des Cochons dans l’espace, du Muppets show !En 1986, Saab songe à développer les ventes de la 900 en ajoutant un break à la gamme. C’est la société Nilsson Special Vehicles AB qui assemble deux exemplaires de ce break élégant dont l’un est conservé au musée. Le second se trouve en Hollande.Prototype Saab 9-3 X coupé de 2002. Présenté au salon de Detroit, c’est un mélange de break et de coupé à transmission intégrale, précurseur de nombreux futurs SUVs. L’arrière est très proche de celui des 9-3 breaks et le différentiel central provient de chez Haldex. Il est motorisé par un V6 de 280 ch.Le prototype Aero X a été présenté lors du salon de Genève 2006. Destiné à explorer de nouvelles tendances en matière de design, il est motorisé par un V6 de 2800 cm3 alimenté par de l’éthanol, développant pas moins de 400 ch et 500 Nm de couple. Il est associé à une boîte 7 rapports et une transmission intégrale.Durant de nombreuses années, le cabriolet Saab est resté une proposition unique sur le marché, pouvant accueillir 4 personnes et leurs bagages dans un grand confort. Ce 9-3 en est la dernière version.Développé sur base de la 9-5 NG, ce break est malheureusement arrivé trop tard, au moment de la faillite… Il dérive lui aussi de l’Opel Insigna. Présenté au salon de Genève 2011, seuls une trentaine d’exemplaires en ont été assemblés. Aujourd’hui encore, il reste très moderne et ses lignes sont une réussite. 27 ont été vendus aux enchères après la faillite du constructeur, à des prix avoisinant les 50.000 €.