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6h de Spa – Le WEC a bouffé du lion par Emmanuel Van den Brûle

Le monde attire le monde, c’est bien connu. En World Endurance Championship, on dirait que la formule s’applique tout autant que sur une terrasse bondée en fin de journée d’été. Les constructeurs rappliquent, les pilotes se battent pour des places de titulaire et la foule revient au circuit malgré un temps maussade. Vécu de l’intérieur, voici ce que ça donne.

Dans le calendrier d’endurance, Spa a toujours eu des allures de répétition générale avant le Mans. Les équipes ayant décidé de manquer les premières courses outre-Atlantique décident de remettre le matériel en route, tandis que les régulateurs profitent de cette manche pour ajuster les équilibres de performance avant le point d’orgue sarthois de la saison. Pour cette raison, le successeur des 1000 km de Spa a toujours attiré du monde mais cette année, le trafic pour arriver au circuit prend des allures de Grand Prix et les tribunes de plus en plus nombreuses se remplissent sans problème.

En cause, un plateau de la catégorie Hypercar qui compte 13 voitures, un chiffre qui contrebalance aisément les années de disette du WEC comptant simplement Toyota devant, et personne derrière. Avec des constructeurs comme Porsche, Ferrari, Cadillac, Peugeot, Vanwall et Glickenhaus comme concurrents, la marque japonaise n’est plus seule et doit garder le rythme de développement pour prouver que les victoires acquises en solo ne seront pas les seules.

Aux essais, comme depuis le début de saison, on remarque cependant que le rythme affiché par les LMH nippones est inatteignable pour la plupart du plateau. Les seules concurrentes capables de les suivre sont les Ferrari, qui manquent d’ailleurs de signer la pole de peu, la faute à un dépassement des limites de la piste, et qui prennent d’ailleurs un départ plus courageux, en pneus froids et avec une piste humide. Ce ne sera cependant qu’une question de tours avant que la GR010 ne reprenne la tête du peloton pour ne plus la quitter. Mais alors, si Toyota est toujours devant, pourquoi les constructeurs affluent-ils tant ? Nous avons pu poser la question à Linda Jackson, CEO de Peugeot.

« Premièrement, nous voulions nous concentrer sur un seul sport automobile, et en termes de couverture médiatique, le WEC nous paraissait second derrière la Formule 1, dont le ticket d’entrée est extraordinairement haut. Deuxièmement, nous voyons notre présence en WEC comme une possibilité de créer un centre d’expertise pour Peugeot Sport, pour tester les technologies d’électrification et d’efficience et ensuite les transférer à nos véhicules de route. Troisièmement, nous cherchions un sport global, car nous sommes une marque qui vend un million de voitures partout sur la planète. Enfin, il y a également l’histoire de la marque dans la catégorie. C’est donc un outil de marketing formidable pour pousser la marque de Peugeot. »

Réponse interchangeable donc, mais une question subsiste : combien de temps la performance se fera-t-elle attendre, étant donné que la 9X8 n’est pas encore au niveau ? « Il s’agit d’une saison d’apprentissage pour nous, nous sommes là pour le long-terme et notre objectif est évidemment la victoire de courses, du championnat et bien évidemment des 24 Heures du Mans. Si après sept ans, nous n’avons rien gagné, alors il faudra ré-évaluer notre présence, mais un investissement prend toujours du temps à se rentabiliser. »

Du côté des pilotes, l’engouement semble tout aussi élevé, et la catégorie reprend des couleurs impressionnantes avec la présence d’ex-pilotes de F1, FE, rallye et surtout une flopée de pilotes venant du GT. Selon Stoffel Vandoorne, réserviste chez Peugeot, cela s’explique surtout par le fait que les nouvelles Hypercars peuvent être décrites comme de « grosses GT, plutôt que des LMP comme on en avait par le passé. Mais en termes de pilotage, ça reste performant et ceux qui sont passés par la monoplace peuvent toujours garder un avantage, que ça soit derrière le volant ou au niveau de l’environnement, souvent plus professionnel. »

Verra-t-on Stoffel à temps plein en WEC, comme son co-équipier Jean-Éric Vergne, dans le futur ? « Oui, c’est mon but. Pas mal de pilotes font le double programme avec la FE et le WEC, et le roulage limité que l’on a aujourd’hui nous pousse à vouloir rouler plus, quelle que soit la catégorie. J’aimerais un jour pouvoir me battre pour une victoire au Mans. »

Un avenir excitant donc, tout comme la course qui se déroule en piste et qui voit une bagarre affutée à tous les niveaux, entachée seulement par la décision absurde d’interdire les couvertures chauffantes pour les pneumatiques. Avec une température ambiante de 9°C, les erreurs en pneus froids se multiplient à tous les niveaux et on note par exemple la perte de la Ferrari #50, partie dans le mur à la sortie des stands, ainsi que des LMH sur faisant dépasser par des GTAm lors de leur tour de sortie. Si c’est difficile maintenant (les pneus ayant été développés pour être chauffés au préalable), la nuit sarthoise risque d’être assassine.

Au final, c’est donc la Toyota #7 qui remporte la course devant sa cousine #8, tandis que la Ferrari #51 ravit le podium à Porsche lors du dernier tour, ce qui fait donc trois podiums en autant de courses et nous fait espérer une bagarre plus serrée au Mans.

En LMP2, c’est l’équipe belge WRT qui confirme avec la victoire et prouve que sa maîtrise des opérations est digne de la catégorie reine, qu’elle intègrera l’année prochaine avec BMW. En LMGTE Am, c’est la Ferrari #83 qui remporte la mise devant Corvette et Aston Martin, au terme d’une bagarre de six heures.

Mais au final, c’est le public qui en ressort gagnant à tous les niveaux. Plus de concurrents, plus de pilotes d’exception, expérimentés ou novices de la catégorie, plus de spectacle et des voitures  aux looks variés. Rendez-vous dans un mois pour la journée test du Mans, puis les 10-11 juin pour le tour d’horloge le plus célèbre du monde. (Texte et photos: Emmanuel Van den Brûle)

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