Les constructeurs chinois représentent un réel danger pour les constructeurs européens. Cependant, la politique de subventionnement menée actuellement par les Etats-Unis est également un problème… la course entre ces trois régions du monde est engagée. L’Europe gardera-t-elle un rôle de leader à l’ère de la mobilité électrique ?

Tesla et BYD caracolent actuellement en tête des ventes de véhicules électriques. Les constructeurs européens, surtout allemands, essayent tant bien que mal de ne pas perdre trop de parts de ce marché émergeant. Leurs gammes électriques sont déjà bien étoffées et de nouveaux modèles devraient sortir au cours des mois qui viennent. Concurrencer les constructeurs chinois est une tâche titanesque et c’est l’avenir de l’industrie européenne qui est en jeu. Au vu de sa dépendance aux énergies fossiles russes, l’Allemagne doit en outre faire face à un contexte encore plus compliqué depuis le début de la guerre en Ukraine. Il est vrai que rallumer des centrales à charbon pour alimenter des voitures électriques ne peut pas être bon pour la planète et la population ne s’y trompe pas. Les autorités sont coincées entre des objectifs écologiques imposés et la réalité du terrain.

Forcing chinois et américain
Depuis plusieurs années, la Chine n’a eu de cesse de s’assurer le monopole de la production et de la transformation de terres rares et autres matériaux entrant dans la fabrication des batteries. Elle a désormais toutes les cartes en main pour jouer sur les prix. Pour l’Europe, il s’agit donc de passer de la dépendance aux hydrocarbures à une autre, est-ce un bien ? Qui plus est, les autorités soutiennent largement leurs constructeurs nationaux lancés à la conquête du marché européen. Pour corser les choses, les Etats-Unis tentent désormais de séduire les sociétés actives dans la production de composants de véhicules électriques, au travers d’un plan de réduction de l’inflation ou Inflation Reduction Act. Celui-ci est crédité d’un budget de 370 milliards de dollars à investir dans des technologies liées à la mobilité propre ! Selon une analyse d’UBS publiée l’an dernier, les USA sont en passe de devenir le pays le plus intéressant au monde pour la production de batteries et de cellules entrant dans leur composition.

C’est pourquoi, en Europe, de plus en plus de voix s’élèvent afin de demander aux autorités d’agir et de mieux soutenir l’industrie dans son ensemble, au travers de mesures et d’aides financières importantes. Le plan d’investissement américain a d’ailleurs alimenté les discussions du Forum Economique Mondial de Davos, cette semaine. Une volonté claire s’y est exprimée en faveur d’un soutien plus large et plus marqué des autorités européennes. De nombreux responsables politiques estiment que les USA favorisent trop leurs entreprises nationales, au détriment des sociétés européennes. A titre d’exemple, l’industrie automobile allemande est le premier secteur économique national en termes d’investissement, de vente et d’exportation. Ce poids-lourd représente également près de 800.000 emplois directs et indirects. Si le secteur automobile s’enrhume, c’est donc toute l’économie qui sera affectée durablement dans son ensemble. Certes, la volonté des autorités est plutôt d’éviter une guerre commerciale avec les USA car les exportations en pâtiraient directement. Néanmoins, Berlin demande bien un milliard d’euros supplémentaires pour soutenir différents projets de production de batteries, ce qui reste largement inférieur à ce que le gouvernement américain met sur la table. Depuis la présentation de ce plan, en août dernier, les investissements en matière d’électro- mobilité atteignent déjà 28 milliards de dollars sur le territoire nord-américain.

Nuages en Europe
Pendant ce temps, en Europe, les choses se compliquent. Britishvolt a fait faillite, ruinant ainsi tout espoir du gouvernement britannique de devenir un acteur majeur de la production de batteries pour automobiles. Du côté du suédois Northvolt, les projets d’implantation d’une usine de production de batteries en Allemagne sont reportés au profit d’une expansion aux USA ! Néanmoins, tout n’est pas perdu puisque le géant chinois CATL s’est implanté à Erfurt, en Allemagne, et y a lancé une production de batteries. Une fois pleinement opérationnelle, la nouvelle usine Volkswagen de Salzgitter aura une production suffisante pour équiper environ 500.000 voitures par an.

Problème de crédibilité
Le plus compliqué reste finalement de convaincre les acheteurs. Pour le moment, ils traînent les pieds pour passer en masse à l’électrique. Certes, l’offre augmente mais les prix ne diminuent pas, loin de là. Sans parler des problèmes liés à l’autonomie, la déficience des infrastructures de recharge, le manque de capacité de production d’électricité à certains moments, etc. L’abandon des motorisations thermiques est également remis en question par les autorités de plusieurs pays. Les récents problèmes informatiques sur des VW électriques ne vont rien arranger. De leur côté, BMW et Mercedes se sont aussi fourvoyés en essayant de surfacturer certains équipements utilisant des applications informatiques. Sans parler de problèmes d’approvisionnement récurrents qui impactent directement les ventes. Pour couronner le tout, la semaine dernière, Tesla a revu ses tarifs à la baisse de pas loin de 20% en Europe et aux USA, après les avoir déjà diminués en Chine. Elon Musk veut clairement maintenir une stratégie de croissance pour la firme et se démarquer de ses concurrents. L’Europe et l’Allemagne risquent donc clairement d’être dépassés dans la course à la mobilité propre et il en va de la crédibilité des autorités européennes et nationales de rétablir au plus vite la compétitivité des entreprises au niveau mondial. Sous peine de voir l’industrie automobile tomber aux mains des constructeurs chinois ou disparaître. (Texte : Dimitri Urbain)
