Depuis des années, la pérennité des grands salons automobiles pose question. La pandémie n’a évidemment rien arrangé et, même le salon de Genève, certainement le plus prestigieux de tous, en a fait les frais. Annulé en 2020, reporté en 2021 il s’est désormais exporté, à Doha, au Quatar. Le salon de Paris 2022, vient de fermer ses portes. Désormais dénommé « Paris Motor Show », celui qui était naguère « Mondial de l’automobile » n’est plus aujourd’hui que l’ombre de lui-même et sa splendeur passée s’est bien éteinte. (Texte et photos : Dimitri URBAIN)
Des allées très très larges…
Le nombre de constructeurs présents à la Porte de Versailles a fortement diminué : Renault, Dacia et Alpine y étaient en force, tout comme Peugeot, DS et Jeep pour le groupe Stellantis. Pour le reste, c’en est terminé des constructeurs « traditionnels ». Aucun constructeur allemand présent, ni Volvo, ni Jaguar Land Rover, ni Ford, ni Toyota, ni Honda, ni Mazda… de quoi vraiment rester sur sa faim. Certes, quelques artisans comme Babieca, Aixam, Microlino ou encore Fisker, Hopium et NamX complétaient le tableau mais cette présence était néanmoins plus anecdotique qu’autre chose.
Paris ou… Shanghai ?
De leur côté, les marques chinoises y étaient surreprésentées, toutes avec des engins électriques, bien entendu ! De BYD à ORA, en passant par Seres ou Wey c’est très anonyme, très peu inspirant. Le vietnamien VINFAST est le nouveau venu qui nous a semblé le plus crédible de tous : gamme complète, une certaine élégance, finition de bon niveau… reste à voir les tarifs et quels services seront offerts, bien entendu. Histoire que les clients soient rassurés, la marque offrira une garantie de… 10 ans ou 200.000 km sur ses modèles.
Le pire nous a paru être chez ORA (une marque du constructeur Great Wall), avec une auto qui semble née des amours illicites d’une New Beetle et d’une Porsche Panamera qui aurait reçu des phares de 911 (997) et des feux de… Bentley Continental ! 55000 € pour un engin sans image, sans réseau et dont la finition n’est certainement pas au niveau du tarif… Certes, les informants font l’article sur les 400 km d’autonomie ou le couple de camion mais, franchement, qui va aller mettre une somme pareille dans un véhicule complètement inconnu et peu inspirant ? En le voyant on ne peut s’empêcher de repenser à la Renault 14 et sa campagne de publicité ratée l’ayant identifiée à une poire… et qui a fait fuir les acheteurs !
Et l’hydrogène dans tout ça ?
Deux sociétés françaises étaient présentes à Paris avec des prototypes fonctionnant à l’hydrogène. L’Hopium Machina se fait forte de disposer de pas moins de 500 ch et de rouler pas moins de 1000 km avec un plein ! Sa commercialisation n’est pas attendue avant 2025 et à des tarifs bien élitistes, débutant vers les 120.000€… et, en attendant, la mise au point devra être finalisée. Restera également à voir si l’infrastructure de distribution d’hydrogène sera suffisamment étendue pour rendre cette voiture crédible. Si tel était le cas, c’en serait bien terminé des voitures électriques classiques car le plein d’hydrogène ne demande pas plus de temps qu’un plein d’essence.
La solution serait-elle celle présentée par NamX et CapXstores ? LeHUV NamX (pour Hydrogen Utility Vehicle) est signé Pininfarina et fonctionne avec des capsules d’hydrogène. Ce système permet de réduire fortement les coûts d’installation de stations de distribution. L’utilisateur a même le choix du nombre de capsules à emporter, en fonction de l’autonomie souhaitée… un peu comme s’il pouvait être possible de déterminer le nombre de batteries à emporter dans son smartphone pour une expédition polaire ! Le ManX devrait être commercialisé dès 2024 et disponible en deux versions (300 et 550 ch), à des tarifs débutant à 65.000 € pour la moins puissante et… 95.000 € pour l’autre. L’idée en soi est excellente et pourrait peut-être permettre à l’hydrogène de devenir une alternative crédible, même si, côté tarfis, rien à voir avec ceux de Dacia !
La passion au rendez-vous ?
Autre élément interpellant de ce salon, c’est également la part belle qui est réservée aux anciennes ! Un plateau de Ferrari, on adore mais n’est-ce pas juste du remplissage pour « meubler » les espaces vides abandonnés par les constructeurs allemands, à tout hasard ? Dans la série des actions aussi stupides qu’inutiles, des activistes écologistes sont venus barioler certaines voitures et les détériorer. Voilà qui est bien méconnaître le côté écologique des collectionneurs et autres amateurs qui font rouler des voitures plus longtemps, diminuant leur impact sur l’environnement.
La vedette du salon était sans conteste le Multipla vitaminé de chez Vilebrequin pour lequel… il fallait faire la file ! Ce qui était loin d’être le cas sur les stands des voitures électriques, bien entendu. Même le président de la république a fait un arrêt sur le stand, c’est dire… Néanmoins, nous ne pouvons nous empêcher de penser que si le « Mondial de l’Automobile » doit en arriver à exposer ce genre de véhicules et partager les halls avec le salon professionnel Equip’Auto pour attirer du public, son avenir est bien plombé.
Renault & Alpine : Les petits plats dans les grands !
Chez Renault, la part belle est faite à différents prototypes, électriques, comme il se doit. Néanmoins, l’hommage à différents modèles emblématiques de la marque semble bien fonctionner et donner un petit supplément d’âme à des électriques. Serait-ce la bonne formule pour convaincre et séduire les acheteurs ? Rien n’est moins sûr pour le moment ! Le constructeur joue à fond la carte de la nostalgie et ça semble fonctionner. La 5EV sort sa frimousse unique, dans ce jaune qui lui va si bien tandis que la 4Ever Trophy rend hommage à la R4, sortie en 1961 et qui marque aussi les 25 ans du 4LTrophy en Afrique. Ici, il s’agit d’un SUV bien campé sur d’énormes roues et qui reprend les grands traits de la R4, de la calandre jusqu’à la vitre latérale trapézoïdale. 100% électrique, il devrait donner naissance à un SUV du segment B.
A ses côtés, la 5EV sera une compacte 5 portes. Le proto R5 Turbo 3 E n’aura certainement pas de suite commerciale. Il rend hommage aux fameuses R5 Turbo et Turbo 2 à moteur central qui ont fait les beaux jours du rallye au début des années 80, avant la déferlante Quattro et 4X4. Ce prototype est donc une ode au plaisir, montrant que l’on peut s’amuser au volant, drifter, avec une électrique. Chaque roue arrière reçoit un moteur et les batteries sont implantées au milieu, à l’arrière.
La référence à la compétition est bien réelle, avec un châssis tubulaire et un fond plat sur lesquels reposent une carrosserie en fibre de carbone. La puissance est de 380 ch pour un couple de 700 Nm. La batterie de 42 kWh offre une autonomie suffisante pour couvrir quelques tours de circuits en travers tandis que la vitesse maximale s’établit aux environ de 200 km/h.
Ne quittons pas le registre du sport et de la compétition avec le stand Alpine. Situé juste en face de celui de Renault, il a certainement fait plaisir à la tranche d’âge des 40-80 ans qui y retrouvaient une partie de leur jeunesse et la toujours magnifique A110. Dommage qu’elle soit condamnée à brève échéance… voilà une vraie Alpine, du plaisir à tous les étages et déjà un collector ! A ses côtés, le prototype Alpenglow devrait inspirer les futurs modèles de la marque, qu’il s’agisse de version de route ou de compétition. Ici, place à l’hydrogène… Nous sommes quand même un peu rassurés, l’accent est mis sur les sensations et pas uniquement sur le côté écologique. Situé au centre de la voiture, le pilote prend place dans un cockpit transparent qui évoque un casque.
Un prototype comme nous les aimons, à la fois futuriste et axé sur le sport, les sensations… et qui respecte l’ADN de la marque. Le stand accueille également la toute dernière évolution de l’A110, la R et une F1. Dacia, de son côté, présentait une version hybride du Jogger. Il récupère la technologie de la Clio E-Tech avec moteur de 145 ch associé à une batterie de 1,4 kWh. Une façon comme une autre de compenser la disparition prochaine des versions diesel, pourtant toujours populaires parmi les acheteurs de la marque.
Stellantis : incontournable
A l’image des stands Renault et Dacia, Peugeot et DS ont sorti le grand jeu à Paris. Normal pour DS, la marque reprenant de nombreux noms en référence au bon goût et au luxe associé à la capitale française (Rivoli, Opéra…). Chez Peugeot, un 408 n’arrêtait pas de tourner dans une sphère, le dévoilant sous toutes ses coutures de manière assez spectaculaire.
Chez Jeep, le nouvel Avenger, premier SUV électrique de la marque, était dévoilé en première mondiale. Son moteur 400 V dispose de 115 Kw et 260 Nm de couple, la batterie de 54 kWh autorisant une autonomie comprise entre 400 et … 550 km en ville, selon le constructeur. La version deux roues motrices sera disponible au printemps prochain. La marque présentait à Paris le prototype 4xe, qui préfigure une version 4X4 équipée de deux moteur électriques, un par essieu. Ses capacités de franchissement devraient être supérieures à la version deux roues motrices grâce à une garde au sol plus élevée.
Néanmoins, des versions 4X4 hybrides devraient être disponibles également, pour… le marché italien, l’infrastructure de recharge n’y étant pas encore très développée. Bien que signé par le patron du style Alfa Roméo et Jeep, l’Avenger ne devrait pas dépayser les amateurs de la marque… le style et le look baroudeur sont respectés, ils évoluent subtilement. En Europe, toute la gamme Jeep sera électrifiée pour 2025. Si une américaine électrique est une hérésie pour vous, il suffisait de se rendre un peu plus loin dans le même hall : American Car City exposait des pick-ups RAM, dont une version à moteur 6.2 compressée !
En conclusion, hormis quelques exceptions (merci Alpine et Vilebrequin !), un salon pas très enthousiasmant mais qui, en faisant une large place à une certaine conception « plaisir » de l’automobile, montre que les organisateurs sont bien conscients que le rêve de liberté individuelle du grand public passe encore et toujours par l’automobile, malgré tous les discours culpabilisants et les limitations toujours plus lourdes qui lui sont imposées.