La revanche de Moskvitch ?

La guerre en Ukraine a des conséquences profondes sur le secteur automobile : prix des matières premières et des carburants qui s’envolent, manque de composants et de circuits électriques sont les plus évidents. Néanmoins, il y a aussi les sanctions imposées à la Russie et le retrait de nombreux constructeurs du pays : Audi, BMW, Ford, Honda, Hyundai, Jaguar, Mercedes, Porsche, Volkswagen, Volvo… et la liste n’est certainement pas terminée. Dans le cas de Renault, il s’agit d’activités de production locale, dans les anciennes installations de Lada et de Moskvitch.

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Dans les années 70, la Moskvitch était une berline moyenne, de catégorie supérieure aux Lada, disponible en version quatre portes, break, utilitaire tôlé et même pick-up. Elles étaient produites dans l’usine automobile moscovite sous le régime soviétique.

Bye bye Renault !

Renault a donc été contraint et forcé de céder la marque Lada ainsi que ses capacités de production à NAMI, institution d’état chargée de l’homologation des véhicules. Un peu comme si Renault finissait dans les mains de l’UTAC, en France. Cependant, le constructeur français s’est ménagé un délai de six ans pour revenir, en fonction de l’évolution géo-politique locale et… des sanctions européennes. Après un investissement pour moderniser les installations à concurrence de plus de deux milliards d’€, Lada aurait été cédé pour un rouble symbolique, soit environ 0,01 € ! La difficulté a été de trouver un partenaire local non sanctionné en Europe, ce qui n’était pas le cas de Rostec, proche du pouvoir en place. NAMI n’est pas concerné par les sanctions actuelles mais nul doute que Rostec garde la mainmise sur les activités derrière ce paravent. Aux côtés du complexe de production Autovaz, Renault disposait également d’une unité de production à Moscou.

Moskvitches lined up before the start in 1971 (Results)
Bien que n’ayant aucune prétention sportive, la Moskvitch 412 s’est illustrée lors des 24 H de Spa Francorchamps 1971. Il s’agissait d’une initiative privée, menée par Scaldia- Volga, importateur belge de la marque. Sur les trois voitures au départ, une va abandonner sur rupture du joint de culasse tandis que les deux autres vont terminer l’épreuve en seizième et dix-septième positions.

Moskvitch, le retour !

L’usine moscovite produisait des Moskvitch, il y a déjà bien longtemps. Le maire de Moscou veut nationaliser cette usine, après le retrait du constructeur français. Le but est bien évidemment de ne pas laisser les travailleurs sur le carreau. La Moskvitch était une berline de catégorie moyenne, disponible en version quatre portes, break et utilitaire tôlé. Il reste environ 200.000 Moskvitch en circulation, dont plus d’un quart est âgé de plus de 35 ans. Pour la petite histoire, l’importateur belge Scaldia Volga en a même aligné trois exemplaires lors des 24 Heures de Francorchamps en 1971.

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A l’ère soviétique, les différents constructeurs nationaux se voyaient attribuer une catégorie de voitures à produire. Dans le cas de Moskvitch, il s’agissait de voitures moyennes. En 1986, c’est l’Aleko qui entre en production. Largement inspirée par les productions européennes comme la Simca 1307, elle ne remporte pas vraiment de grand succès à l’exportation et la chute de l’URSS en 1991 mettra un coup d’arrêt à sa production.

Que produire ?

Cependant, entre la volonté du maire et la réalité, il y a une marge. Ne pensons même pas à la relance d’une ancienne production ! Et l’étude d’un tout nouveau modèle ne saurait être menée en quelques semaines, surtout dans le contexte des sanctions actuelles, avec un budget estimé à plus d’un milliard d’Euros. L’usine s’est donc rapprochée de Kamaz, constructeur de camions, afin que cette société agisse comme consultant et partenaire technique. Kamaz a entamé des négociations avec son partenaire chinois JAC afin de pouvoir produire localement un de ses modèles à moteur thermique essence sous la marque Moskvitch. A terme, l’usine pourrait même passer à la production de véhicules à motorisation électrique. Les sanctions européennes compliquent évidemment les choses et le projet devra donc être approvisionné en composants par des équipementiers chinois. La production pourrait reprendre déjà vers la fin de cette année mais, à ce stade, rien n’est encore acquis, bien entendu.

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JAC est un constructeur de camions chinois fondé en 1964. Depuis quelques années, des voitures portent également la marque et des relations avec Volkswagen ont été nouées. L’ex-usine moscovite de Renault pourrait donc bientôt produire ce modèle sous licence, avec un approvisionnement de pièces assuré par la Chine, seul moyen d’en lancer la production et d’occuper le personnel de l’usine. Remportera-t-elle un succès sur le marché russe ? Rien n’est moins sûr mais de nombreux constructeurs européens ayant cessé leurs activités en Russie, elle pourrait bénéficier d’un marché captif tant que le pays est sous le coup de sanctions internationales.

Exigences revues à la baisse…

Afin de conserver une production automobile locale, la Russie vient de revoir ses exigences en matière d’équipements obligatoires pour les voitures neuves. Le gouvernement a publié le 12 mai dernier un document reprenant une liste d’éléments désormais considérés comme non « obligatoires » sur les voitures neuves :  ABS et airbags sont concernés et ce décret sera d’application jusqu’au 1er février 2023. Par ailleurs, les normes d’émissions pour ces véhicules sont également revues à la baisse et équivalentes à celles en vigueur en… 1988 ! (Texte: Dimitri Urbain)

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