Librairie : « J’ai pas tapé ! » par Anne-Chantal Pauwels

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Il y aura 30 ans en janvier, 30 ans que l’on a tous entendu, sur RMC longues ondes pour les passionnés belges que nous étions alors, le jeune François Delecour hurler au micro du journaliste ces quelques mots à l’arrivée d’un Monte-Carlo éprouvant, où il domina tout le gratin mondial de la spécialité avant de tout perdre dans l’ultime chrono, à la suite d’une casse mécanique sur sa Ford Sierra Cosworth 4×4 Gr.A officielle…

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Auteur d’un rallye d’anthologie, François Delecour et Anne-Chantal Pauwels signent l’exploit de ce Monte-Carlo 1991!

Il en fallait de la passion à l’époque pour suivre le premier rallye de la saison du WRC où les cadors de la discipline s’affrontaient sur 640 km contre le chrono. Excusez du peu. Nous étions tous suspendus à Radio Monte Carlo sur les longues ondes qui crachotaient, qui ondulaient, bref, où nous devions faire de gros efforts pour tenter de compiler correctement les chronos annoncés par le commentateurs en direct, sur nos feuilles de papier. Mais les mots de François à l’arrivée de ce Monte Carlo 1991, nous n’avons pas dû faire de gros efforts pour les comprendre.

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A l’arrivée, Bruno Saby vient consoler un François totalement effondré. La Sierra l’a lâché dans l’ultime chrono.

Le français était effondré. Après des années de sacrifices, d’efforts, de désespoir, de folles aventures en compagnie de sa copilote Anne-Chantal Pauwels, il voyait son rêve anéanti à quelques kilomètres de l’arrivée sur le port de Monaco. Mais cela le rendra célèbre. Tous les magazines de l’époque ont partagé sa détresse quelques jours plus tard à travers les photos de cet équipage ravagé par la tristesse d’être passé à côté de l’exploit face à un Carlos Sainz qui n’a jamais lâché. C’est évidemment le point d’orge du dernier livre écrit par Anne-Chantal Pauwels à compte d’auteur. Mais c’est aussi un prétexte pour revenir sur ces dix folles années que ce duo infernal a traversé en ne visant qu’un seul objectif, arriver en Championnat du Monde des Rallyes dans une équipe officielle.

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A l’époque, nous n’avions d’yeux que pour cette charmante copilote… Désolé François!

Flashback en 1981. Anne-Chantal et François ont alors un seul point commun, ils proviennent du même village de Cassel situé à quelques encablures de la frontière belge, à quelques kilomètres de Poperinge, haut lieu du Rallye de Ypres, et surtout connu pour son Musée de Flandre mais rien n’indique qu’il existait déjà à l’époque… Issue d’une famille bourgeoise de 4 enfants, Anne-Chantal n’a qu’une idée en tête, la vitesse. L’équitation mais également les deux roues en attendant le permis. De son côté François devient rapidement le roi du macadam avec des pétrolettes en attendant, lui aussi de passer sur quatre roues. C’est d’ailleurs sur les bancs de l’auto-école du coin que nos deux compères se rencontrent et décident qu’un jour, ils feront du rallye. Et comme s’il fallait encore convaincre la garçonne, François décide de l’emmener faire la descente des pavés du Mont Cassel, un bout de route hyper-glissante, été comme hiver, que le jeune conducteur (ironie) connait sur le bout des doigts.

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L’Autobianchi A112 qui leur permettra de mettre le pied à l’étrier en participant au Picardie.

Le contrat est passé entre nos deux larrons mais nous ne sommes pas sûrs qu’ils savent alors sur quelle pente glissante ils s’engagent. De petits boulots en petits boulots, ils consacrent toutes leurs économies à l’achat d’une A112 Abarth qu’ils engagent au Picardie où une erreur de pointage les prive d’un bon résultat. C’est le métier qui rentre. L’auto est malheureusement détruite quelques jours plus tard, sur route ouverte, lors d’une des innombrables sorties nocturnes où François affute son pilotage. Qu’importe, c’est une Peugeot 104Z complètement usée qui la remplace et c’est avec celle-ci que nos deux compères s’engagent aux Boucles de Spa, rien de moins, en 1982 où, à l’époque, les combinaisons ne sont pas encore obligatoires! Occupant un moment la 45e place du général, ils finissent par abandonner, moteur cassé…

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Boucles de Spa 1982, c’est écrit dessus… sans combinaison mais avec toute la fureur de la jeunesse!

Forts de l’enthousiasme de la jeunesse et de leur motivation inaliénable, ils repartent au combat. Jouant à fond la carte du charme et de ses beaux yeux, Anne-Chantal est engagée dans une agence de mannequinat lilloise, ce qui leur permet tout juste de survivre. En 1983, on les retrouve à nouveau au départ des Boucles de Spa à bord d’une Talbot Samba Rallye. Les conditions sont dantesques, les abandons nombreux et ils luttent pour la 15e place du scratch avant d’abandonner stupidement à la suite de la perte d’un bouchon de réservoir. Décidément, la chance n’est pas encore de leur côté. Mais la rage de vaincre est plus forte que tout et Anne-Chantal le démontre en vidant le compte épargne-logement dont elle a hérité à sa majorité. Une somme équivalent à 7600€ actuels qui sert à monter un moteur de Gr.A dans la Samba, acheter des combis et des casques sans oublier un antédiluvien DS break pour l’assistance rapide!

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Une Samba qui virevolte au milieu de la nuit, au coeur d’une tempête de neige et sans clous… la légende est en marche.

Direction Ypres et ses fameuses 24 heures où ils abandonnent, cardan cassé. En fin de saison,  la petite Samba Gr.A termine 7e au Charlemagne. Est-ce enfin le début d’une longue série? Leur vie est hallucinante au regard de ce qu’on connait de nos jours. Ils ne sont pas inscrits à la sécu, les voitures ne sont pas assurées et la DS break leur sert très souvent de bivouac… Mais leur inscription au Monte Carlo 1984 vaut bien tout ces sacrifices. L’aventure est, une nouvelle fois rocambolesque puisqu’ils choisissent, faute de moyens, de s’inscrire dans la catégorie créée par Pirelli, pour le lancement de sa nouvelle gamme de pneus hiver sans clous, et où le manufacturier italien récompense les meilleurs d’une belle prime. Le plus jeune équipage engagé a mangé du lion et se démène comme un beau diable pour rejoindre l’arrivée d’une édition particulièrement enneigée. C’est la galère totale mais ils n’en démordent pas. Pour arriver au sommet de la spéciale des Savoyons, au beau milieu de la nuit, François demande à sa copilote de s’installer sur le capot avant pour pouvoir terminer, en marche arrière, une spéciale qui sera finalement annulée à cause des fortes chutes de neige. Imaginez un peu le tableau de ce petit bout de femme, en combinaison, à cheval sur le capot avant, aux alentours de minuit, pendant que son pilote fait la spéciale en marche arrière… pour terminer 67e scracth, 1er des 2 RM et 5e des sans clous!

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Ce ne sont là que quelques anecdotes parmi toutes celles qui agrémentent ce bouquin truffé de photos. Après cela, il y aura la 205 GTI avec laquelle l’équipage va sillonner la France en se faisant remarquer à de nombreuses reprises. Ensuite vient cette saison avec la BMW M3 Gr.A qui leur permettra de soigner le palmarès en signant de jolis podiums en championnat de France et qui offrira surtout à François l’opportunité de décrocher un volant officiel chez Peugeot Sport, qui le contraint à laisser Anne-Chantal sur le côté. Enfin, en 1991, l’usine Ford propose un contrat pour toute la saison au Nordiste qui demande alors à la copilote de ses débuts de l’accompagner en Championnat du Monde, afin de partager avec elle son accession à l’élite. Mais une saison marquée par une fiabilité très aléatoire finira par lasser Anne-Chantal qui préfère alors voler, c’est le cas de le dire, vers d’autres cieux (elle passera son brevet de pilote d’hélicoptère).

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Avec la Coupe 205 en 1986, la France est à eux et l’expérience est inoubliable.

C’est en tous cas une belle bouffée d’optimisme, d’insouciance et de nostalgie qu’Anne-Chantal nous offre à travers les 114 pages de ce livre. Et l’on se dit en le refermant que certains vont au bout de leur rêve à n’importe quel prix. Ces deux-là n’étaient peut-être pas clonés mais ils avaient en eux une telle fureur de vivre leur vie comme bon leur semblait, sans jamais accepter de se glisser dans le moule du train-train quotidien, que rien n’a pu les arrêter…   

Pour vous procurer le livre « J’ai pas tapé » d’Anne-Chantal Pauwels au prix de 28 euros plus frais de port, rien de plus simple puisqu’il vous suffit de vous rendre sur le site dédié annechantalpauwels.com

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