Les carburants synthétiques: réelle solution d’avenir? par Dimitri Urbain

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Les sport automobile et le développement de carburants alternatifs sont étroitement liés.

Attaqués de partout, les moteurs thermiques classiques ont encore de nombreuses possibilités de développement. Il suffit de voir comment ils ont évolué ces dernières années: toujours plus économes et moins polluants mais leur avenir est remis en cause. Pourrait-il être lié au développement de carburants synthétiques? Leur neutralité en carbone suffira-t-elle à sauver les voitures que nous aimons? (Dimitri Urbain)

Pétroliers et constructeurs main dans la main

A l’heure où le nouveau gouvernement fédéral annonce l’interdiction des voitures de société essence et diesel pour 2026. L’interdiction de la vente des véhicules à moteurs thermiques est déjà décrétée en France mais…  de nombreuses questions restent sans réponse pour le moment: l’industrie automobile sera-t-elle en mesure de s’adapter et produire en suffisance des véhicules électriques? Le nombre de stations de charge sera-t-il suffisant par rapport aux besoins? L’électricité elle-même proviendra-t-elle de sources renouvelables (photovoltaïque, éolien…) ou sera-t-elle produite par des centrales nucléaires ou, bien pire, à gaz et à charbon?

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Chez Porsche, on veut croire que les moteurs thermiques ont encore la vie longue et l’une des solutions à leur survie passerait par les carburants synthétiques…

Porsche, comme d’autres constructeurs et des pétroliers comme Exxon ou Shell, travaille sur les carburants synthétiques. Michael Steiner, responsable R & D chez Porsche, a annoncé récemment que le constructeur désire investir dans le développement de carburants synthétiques et est à la recherche de partenaires. Tout en développant une offre électrique (avec la Taycan et d’autres modèles qui vont suivre), Porsche ne croit pas réellement que la propulsion électrique permettra de réduire de façon significative la production de carbone dans un avenir proche. Porsche envisage également un usage en compétition pour ces carburants. Mr Steiner ajoute que les moteurs à combustion interne vont continuer à être présents encore durant de nombreuses années et les carburants synthétiques seront indispensables pour leur utilisation. Ils permettraient de pouvoir continuer à utiliser les véhicules actuels sans modifications majeures, tout en conservant leurs avantages en termes d’économie et de facilité d’usage, avec un réseau de stations déjà existant et ne nécessitant pas non plus de transformations coûteuses. Et sans que les risques liés à leur usage ne soient plus élevés que pour les carburants actuels, à la différence de l’électricité et de l’hydrogène.

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Ce schéma simple illustre tout ce qu’il est possible de fabriquer comme carburants synthétiques. Il est clair que c’est la source d’électricité qui va conditionner le côté vert et écologique de l’ensemble du processus.

Si, à l’avenir, l’électrification des voitures sera de plus en plus répandue, néanmoins, l’électrification ne conviendra pas à toutes les formes de transport. Pensons ici aux transport routier de marchandises, au transport maritime de containers ou encore aux avions long courrier. Actuellement, la montée en puissance et en nombre des véhicules électriques semble irrésistible. Cependant, la densité énergétique offerte par les batteries, peu importe leur type, est largement inférieure à celle offerte par les combustibles fossiles comme le diesel ou le kérosène. Afin de parcourir des distances équivalentes, la taille, le poids et l’encombrement des batteries serait tout simplement gigantesque. Ainsi, un Airbus A320 à propulsion électrique ne serait en mesure de voler qu’un cinquième de son autonomie actuelle s’il était propulsé par des batteries, tout en ne pouvant transporter que la moitié de sa charge utile! Les transports aériens, maritimes ou terrestres à longue distance ne vont pas disparaitre du jour au lendemain, quoi que puissent en penser et dire les tenants de la décroissance. Pendant de nombreuses années, ils continueront à utiliser des carburants fossiles. C’est pourquoi les évolutions dans le domaine des carburants synthétiques sont une excellente chose pour l’automobile, qu’elle soit essence, Diesel ou hybride. Le développement de ces carburants pourra être d’origine volontaire ou… imposé par les autorités. Des études britanniques estiment que si, du jour au lendemain, tous les avions volant en Europe utilisaient des carburants synthétiques, il faudrait une énergie proche des 2000 TWh par an pour les produire. Ce qui représente environ 2/3 de la production annuelle d’électricité en Europe, dont pas loin de 50% sont maintenant d’origine renouvelable.

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Chez Audi, on a déjà mis en oeuvre la production de e-carburants…

Quels sont leurs avantages ?

L’avantage principal de ces carburants de synthèse est d’être compatibles avec le parc actuel et de pouvoir utiliser toute l’infrastructure de distribution déjà en place. Leurs propriétés physiques et chimiques ne sont pas très éloignées de celles de l’essence, du diesel ou du kérosène, produits à base de pétrole brut. Produits à base de CO2, de déchets végétaux , d’algues, d’hydrogène… avec des énergies renouvelables, ils sont donc inoffensifs pour l’environnement. Si la technologie permettant leur production est au point, il en va tout autrement de la facilité à les produire et du coût de revient, par rapport à l’essence et au diesel.

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Absent du mix carburant en Belgique, l’E85 connaît un grand succès en France. Il permet même d’augmenter la puissance tout en étant beaucoup moins cher que l’essence classique. Son succès dans l’Hexagone n’est pas dû au hasard !

Bosch aussi y travaille…

Bosch travaille également au développement de carburants synthétiques. Pour l’équipementier, la moitié des véhicules qui seront sur la route en 2030 y sont déjà pour le moment, la plupart équipés de véhicules thermiques essence et Diesel. Il faudra bien que ces véhicules participent à la réduction des émissions de CO2… et les détruire n’aidera en rien l’écologie ! Même si les volumes de carburants synthétiques produits sont encore modestes, les ajouter petit à petit aux carburants fossiles est une bonne solution pour atteindre les objectifs fixés en matière d’émissions. De son côté, Porsche recherche donc des partenaires afin de construire une unité de production pilote qui montrera que les carburants synthétiques sont aussi viables économiquement que neutres pour l’environnement.

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Certains véhicules nécessitent des adaptations pour utiliser l’E85. Ainsi que le remplacement de certains tuyaux dont les matériaux ne résistent pas très bien… mais ce n’est ni coûteux ni très difficile. En tous cas, cela permet de continuer à faire rouler des véhicules plus anciens sans causer de pollution supplémentaire par leur mise à la casse pour cause de décision politique arbitraire.

Au sein du groupe Volkswagen, Bentley et Volkswagen travaillent également sur ce projet. Par ailleurs, un usage en formule 1 pourrait également réduire considérablement le temps nécessaire à la mise au point. Voulant être neutre en carbone à l’horizon 2030, le sport automobile phare a donc là une opportunité à saisir… C’est également un espoir pour la voiture ancienne, qui pourrait continuer à être utilisable sans pour autant devoir être électrifiée. Et également signifier l’arrêt du gaspillage provoqué par les zones de basse émission qui imposent la destruction de véhicules en bon état qui pourraient encore être utilisés de nombreuses années. Ainsi qu’un moyen de maintenir des emplois de proximité pour la maintenance de ces véhicules plus anciens, souvent les seuls que des familles défavorisées peuvent se permettre d’acheter.

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Le transport aérien sera certainement l’un des acteurs majeurs dans le développement des carburants synthétiques au cours des années qui viennent.

Comment produire des carburants synthétiques ?

Il existe deux façons de produire des carburants neutres en CO2. La première est d’utiliser du CO2 présent dans l’atmosphère, de le capter, ou utiliser celui produit par un processus de fabrication industrielle comme la production d’acier. Il faut ensuite synthétiser ce CO2 avec de l’hydrogène obtenu par électrolyse d’eau. La seconde méthode fait appel à la biomasse, à base de déchets végétaux, qui sont gazéifiés avant d’être catalysés avec de l’hydrogène au moyen d’un processus chimique ou thermique. La production de ces carburants serait la plus avantageuse dans certains pays d’Afrique où la quantité d’énergie renouvelable (soleil et éolien) est importante et bon marché. En Norvège, la société Sunfire produit des biocarburants au moyen d’énergie hydroélectrique. A terme, la société pense pouvoir les produire à moins de 2€/ litre… et précise que son produit est capable de servir à la fabrication de pas moins de 3000 produits dérivés du pétrole, du chewing gum aux smartphones.

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Audi, au même titre que Porsche ou Bosch, travaille au développement de carburants synthétiques qui permettront de pouvoir continuer à utiliser des voitures à moteur thermiques de la même façon qu’aujourd’hui avec des carburants dérivés du pétrole.

Quels en sont les avantages ?

Ces carburants peuvent remplacer directement ceux produits à base de pétrole. Leur masse volumique et leur densité énergétique sont assez proches. Ils permettent de faire fonctionner des moteurs thermiques classiques sans modifications et peuvent être stockés et distribués de la même manière. Plus propres, ils émettent moins de particules fines et d’oxydes d’azote. Ils ne sont pas plus dangereux, ne nécessitent pas d’infrastructures de distribution spécifiques et ne présentent pas de dangers comme l’inflammabilité des batteries au lithium, par exemple.

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L’utilisation de ces derniers permettra de continuer à utiliser son ancienne sans y apporter de modifications trop onéreuses.

Et les inconvénients ?

Actuellement, ils sont au nombre de deux. D’une part, les prix de revient au litre sont toujours plus élevés que pour un litre d’essence ou de Diesel classique. Nul doute que de nouvelles évolutions technologiques permettent rapidement d’augmenter les quantités produites… Tout en diminuant leur coût ! Leur autre inconvénient, majeur actuellement, est lié aux processus de fabrication de ces carburants synthétiques. En effet, extraire l’hydrogène de l’eau ou capturer le carbone de l’atmosphère exige de l’énergie. Celle-ci ne peut qu’être d’origine renouvelable si le carburant doit être neutre en carbone. Et c’est là que tout se jouera, bien évidemment. (Texte: Dimitri Urbain)

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